« Le
regard du bronze »
un article de Daphnis
Olivier Boelens (février 2016)
En
ce moment même
se tient aux Écuries
de Waterloo une exposition mariant les œuvres de deux artistes :
un peintre-pastelliste, Dany Persoons, et un sculpteur, Halil Faïk.
Je
vous parlerai aujourd’hui de l’œuvre de ce sculpteur... comme je
pourrais vous parler d'une femme. Et
de femmes, c'est bien de cela dont il s'agit.
HALIL
FAÏK
La
sculpture est sans doute la forme d'art qui se rapproche le plus du
réel, de par sa tridimensionnalité, qu'elle soit grandeur nature ou
non. C'est d'autant plus vrai dans l’œuvre d'Halil Faïk où, ses
modèles qui n'en sont pas (puisque Faïk travaille de mémoire),
procurent un sentiment de chair. Ils semblent avoir été capturés
de loin dans un moment de solitude (bien que saisis de si près que
le moindre grain de peau cristallise sa suavité, et le moindre tissu
son velouté), à leur insu, dans leur intimité la plus nue tout en
traduisant une pudeur enchanteresse, de laquelle se dégage un
souffle, un appel au silence méditatif – le verbe n'a plus sa
place quand la chair se déclare –, une chaleur... un regard.
En
effet, ce qui frappe le plus dans les sculptures de Faïk,
c'est le regard de
ses personnages. Bien loin
de nombreuses sculptures de grands maîtres dont (au-delà de toute
maestria technique) l'émotion semble figée voire énucléée, ici
chaque visage exprime un état d'âme, souvent partagé entre la
béatitude et le questionnement, la quiétude et le défi. On
s'y sustente de la même
volupté voilée que chez le photographe David Hamilton. On y
trouve une pureté ardente, une
impression organique comparable à celle de l'artiste-peintre
Kiéra Malone. Visiter une
exposition d'Halil Faïk nous remplit de paix et galvanise notre
aspiration à la beauté. Le naturel vivant qu'il confère à ses
sculptures contribue à nous emporter dans une quête de fragilité
et d'oxygène. Chaque instant recèle sa part de songe et de
séduction, chaque repli sa part de lumière. Quand le bronze devient
chair, le temps s'arrête et l'espace s'ouvre sur l'univers. Rien ne
nous rapprochera jamais davantage du cosmos que le corps d'une femme,
et l’œuvre de Faïk ne déroge pas à cette « ivresse ».
Les
personnages de Faïk ne posent pas, ne composent pas, ne s'imposent
pas. Ils
s'étirent, se prélassent, se meuvent en un ballet où la grâce
s'allie à l'innocence, scrutent... semblent parfois vous observer
autant que vous les observez (qui
observe qui, au final ?).
Ces
figures de proue(sse) ne semblent avoir besoin de rien ni de
personne, évoluant dans un éden d'autarcie relationnelle – mais
chaque individu est un monde en soi, et le premier dialogue à
développer pour acquérir l'équilibre des sens n'est-il pas le
dialogue avec son propre corps ? –, bien que le rapport aux
« voyeurs » que nous incarnons malgré nous soit
magnétique et mimétique. La précision des traits faciaux et le
façonnement des regards participent au caractère saisissant de
réalisme, qui appelle le visiteur à se rapprocher irrésistiblement
et à tendre la main comme pour effleurer une peau.
Mais
au-delà de toute technique maîtrisée et portée ici à son
pinacle, on sent qu'Halil Faïk sculpte avec cet outil qui ne se
trouve qu'à l'intérieur de soi : l'amour. Car c'est sans
conteste avec beaucoup d'amour que l'on parvient à donner tant de
vie et tant de sensualité au bronze. Nous ne sommes pas dans
l'érotisme mais dans l'hédonisme.
Une exposition que
je vous invite donc à aller voir d'urgence. Parlez-en autour
de vous.
Un artiste qui mérite d'être vu, connu, promu... et rencontré, car vous aurez l'occasion, en sus, d'échanger quelques mots avec lui au cours de votre visite à son exposition. On ne peut qu'être honoré et fasciné de posséder chez soi une œuvre de ce grand maître contemporain. Ce n'est pas qu'une statue que l'on emporte chez soi, mais une parcelle d'âme de l'infini.
Du
25 février au 25 mars 2016
Écuries
de Waterloo
Chaussée
de Bruxelles, 308
1410
Waterloo
site internet : http://www.halilfaik.net/
site internet : http://www.halilfaik.net/
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