Daph Nobody

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un homme, un regard sur l'homme

samedi 15 février 2014

VIRGINIE VANOS : La femme qui s'est dé-« Battue ! » – le récit d'un combat contre un pervers narcissique – (une chronique de Daphnis Boelens, 12 février 2014) + INTERVIEW


PARUTION D'UN TEMOIGNAGE chez EDILIVRE en 2013, signé VIRGINIE VANOS






VIRGINIE VANOS :
La femme qui s'est dé-« Battue ! »
le récit d'un combat contre un pervers narcissique –
(une chronique de Daphnis Boelens, 12 février 2014)

Ce témoignage « à vif » touchera la plupart d'entre nous, pas forcément parce que nous avons été battus ou maltraités comme l'a été Virginie, mais parce que nous reconnaîtrons tous en Reza Shariati une ou plusieurs personnes que nous avons connues au fil de notre vie sans toutefois parvenir à en définir le comportement tout en sentant instinctivement qu'il était représentatif de quelque affection relevant de la pathologie. Comme me l'a très justement dit un jour une amie : « pouvoir mettre un nom sur une maladie aide à mieux la cerner et à entamer le processus de guérison ».

Il fut un temps où les termes de « pervers narcissique » ne faisaient pas partie du vocabulaire psychiatrique, et aujourd'hui encore nombre de ces « spécialistes de l'alchimie mentale » rechignent à se servir de cette terminologie, en dépit des critères de plus en plus précis énoncés pour identifier ce type d'individus. Je ne m'attarderai pas ici sur les déclinaisons de cette « bestialité mentale » (pour plus d'informations, et pour d'autres considérations concernant le récit autobiographique de Virginie Vanos, lire mon article intitulé « Combattre la violence au quotidien », via le lien http://uneviesurlaterre.canalblog.com/archives/2014/02/13/29205406.html

L'objet du présent article est de dresser le portrait d'une Virginie Vanos qui nous propose, dans son livre intitulé « BATTUE ! », une optique de défense particulière face à un être aussi ravageur qu'auto-destructeur. Il nous faut reconnaître que Virginie Vanos possède une force de caractère assez exceptionnelle, car peu de gens, confrontés à une telle violence et physiquement fragilisés, parviendraient, plus qu'à tenir tête à l'individu concerné, à survivre psychologiquement à ces agressions répétées, à cette oppression permanente, à cette persécution, cette dévalorisation si répétitives qu'elles font parfaitement office de lavage de cerveau. Rien de tel que le « supplice de la goutte d'eau » chinois pour réduire un être à néant.

Mais plutôt que de se réfugier dans sa famille, Virginie Vanos décide de s'armer psychologiquement contre Reza Shariati, afin de ne pas lui donner gain de cause, de ne pas lui offrir le délice d'une victoire humaine non-méritée. Les épreuves qu'elle endurera à travers ce combat seront de taille. Elle sera notamment victime d'une tentative de meurtre à l'insuline par ce Reza, habilement camouflée par la mère Shariati, toute la famille collaborant dans cette persécution, et qui n'est certes pas étrangère au façonnement de la personnalité de ce fils Shariati qui a décidé de ne rien faire de sa vie et qui proclame à tous vents que l'oisiveté est la preuve formelle d'un homme supérieurement intelligent.

La caractéristique principale des pervers narcissiques est de se construire par le biais de votre destruction. Ils choisissent dans leur entourage une personne qui sera leur proie, leur bouc émissaire (il peut s'agir d'une compagne/d'un compagnon, d'un fils/d'une fille, d'un(e) collègue de travail, d'un(e) voisin(e)... tout en se comportant « normalement » avec toute autre personne, ne laissant ainsi rien entrevoir de leur véritable personnalité cachée), sur qui ils déverseront leur venin tout en se purgeant eux-mêmes de ce venin qui circule au départ dans leurs propres veines et qui les ravage de l'intérieur jour après jour bien qu'ils fassent un déni de grossesse par rapport à ce fœtus apocalyptique qui les habite et les hante. Le pervers narcissique procédera d'abord par séduction, afin de gagner la confiance de la personne en question et de lui permettre de dévoiler ses points faibles, sur lesquels il s'attellera à travailler comme on force un coffre-fort avec une foreuse afin d'en dérober toutes les richesses.

Oui, car ces gens vous vident peu à peu de votre substance, en vous faisant croire, de surcroît, que ce que vous considérez comme des références et des repères moraux, culturels, intellectuels... ne sont que des sous-valeurs issues de sous-hommes dont vous faites partie, et qui vous ont été inculquées par votre famille qui n'a jamais rien compris à la vie en raison d'une étroitesse d'esprit génétique. Ses valeurs supplanteront peu à peu les vôtres. Sa violence vous rongera tel un cancer. Sa folie deviendra votre raison. Vous serez sa nouvelle paire de chaussures.

Peu de victimes parviennent à se relever d'une telle entreprise de démolition, et les suicides ne sont pas rares, quand les victimes ne tombent pas dans l'alcool, la drogue ou l'addiction psycho-médicamenteuse. Virginie Vanos a fait preuve d'une combativité qui n'est pas donnée à tou(te)s. La lecture de son texte transpose parfaitement, à travers le choix de ton et du lexique, la violence subie d'une part, et d'autre part la violence déployée par Virginie elle-même en réaction contre ces agressions au débit exponentiel. Il est bien connu que la violence physique constitue en soi une violence psychologique. Dans le cas des « pervers narcissiques », la violence physique est moindre (bien que présente, mais s'inscrivant comme une violence parmi d'autres) : c'est en réalité la violence psychologique qui prédomine. Ainsi, Reza Shariati ne cessait, jour après jour, de souligner que Virginie Vanos n'était qu'une vulgaire occidentale, aux goûts provocateurs tout juste dignes des prostituées de luxe, et que si elle voyait son niveau de respectabilité et d'élégance enfin relevé, c'était uniquement parce que Reza lui-même lui avait permis une rédemption, un effacement total de son ancienne personnalité de débauchée dont chaque déhanchement dénotait de la vulgarité, de la grossièreté. En d'autres termes : il lui a permis, du haut de sa magnanimité, de devenir une femme bien. Quelle chance d'avoir à sa disposition un tel rédempteur, un tel redresseur de torts, un tel enseignant de la vie érudit et surdoué, une telle réincarnation de Jésus Christ !

Tout ce qui constituait le monde de Virginie était systématiquement dénigré, écarté, molesté. Les goûts de celle-ci étaient considérés par Reza comme ceux d'une femme de mauvais goût, les loisirs qu'elle pouvait s'accorder étaient forcément ceux d'une traînée inculte, les rêves, projets d'avenir et travaux qui constituaient la personnalité et les activités de Virginie la conduisaient forcément sur le mauvais chemin, le bon chemin étant, aux yeux de ce Reza, ceux du désœuvrement, du rejet obsessionnel et démesuré de la société, de la consommation effrénée de marijuana et d'alcool, etc.

Virgine cherche à se bâtir une vie, et le contact avec un homme dont les valeurs ne sont que spirales de fumée convient aussi bien à cette jeune femme qu'une sulfateuse siérait à une antilope. Si elle atteint un point de non-retour où elle sent sa vie (psychologique mais aussi physique) en danger, plutôt que de fuir elle décide de relever un défi : gagner le duel contre cet homme qui est aussi vide de profondeur qu'il n'est rempli de toxicité et de sarcasme. La pollution morale qui s'immisce en vous au contact de cet homme ne va pas sans rappeler celle d'un gourou de secte qui, parvenant à vous convaincre qu'il est le représentant direct du Créateur de l'Univers, vous amène à accepter de sa part n'importe quel traitement, les insultes, imprécations et punitions, le moindre attouchement inconvenant. Reza est le gourou d'une secte dont il est son propre adepte avec un certain Hirad qui partage ses idéaux, son mode de vie, et son paysage enfumé de cannabis. Deux personnages aussi insupportables et inconsistants l'un que l'autre.

Ce n'est pas sans un certain humour que Virginie revient, avec recul, sur cette relation sentimentale qu'elle a vécue il y a quelques années déjà, et qui lui a valu malgré tout une dépression nerveuse. Parfois traité sur le ton de la comédie, d'autres fois dans un registre plus dur, on sent néanmoins à travers ce récit le désir de partager non pas tant la douleur de ce vécu, que la liesse de la victoire finale. Une double victoire, en vérité : contre l'agresseur, mais aussi contre sa propre fragilité. On sent Virginie évoluer au fil du récit, s'aguerrir, prendre conscience des réalités de la vie, du caractère éphémère des relations, du danger de l'idéalisme naïf qu'induit la foi en l'amour fou.

Nous serions tentés, à l'issue de ce récit, de se dire que le véritable amour n'est qu'un leurre et qu'il serait plus raisonnable de renoncer une bonne fois pour toutes à ce type de relations rapprochées avec autrui, que les nuits d'amour sont toujours sans lendemain. Cependant, ce n'est pas le propos du texte. À mon humble avis, ce qui ressort ici, c'est l'idée de vaincre le mal afin de faire de la place pour ce qui existerait de plus beau en ce monde, de sorte que lorsque la bonne personne se présentera, le cœur sera prêt à l'accueillir au meilleur de sa forme, non plus avec naïveté et soumission, mais avec équilibre et discernement. Il faut croire que c'est en passant par une expérience aussi extrême que l'on apprend à se protéger de la vilenie humaine, et de la flairer même lorsqu'elle se dissimule derrière une façade des plus séduisantes.

Jamais plus Virginie ne se laissera emporter dans un tel tourbillon de violence et de manipulation mentale. Jamais plus elle ne se « fera avoir ». C'est quand on a échappé à la destruction, qu'on peut enfin commencer à se construire. La jeune fille est ainsi devenue femme, et sa fragilité, carapace.

Se construire, oui. C'est ce que je souhaite de tout cœur à Virginie Vanos, cette charmante jeune femme que j'ai eu le plaisir de rencontrer, et qui m'est apparue comme quelqu'un qui revient de loin, mais qui a su en tirer les bonnes leçons, et qui n'a pas renoncé à ce qu'elle aimait. Jamais, d'ailleurs, n'a-t-elle été plus active qu'aujourd'hui. Ses projets photographiques se multiplient, pour notre plus grand plaisir. À présent qu'elle a pu extraire tout ce venin sur papier, je lui souhaite beaucoup de bonheur et de paix. Surtout beaucoup de paix. Lorsqu'on est passé à deux doigts de la mort (qu'elle soit physique ou psychologique), on voit la vie sous un autre angle, avec un autre œil, qui semble à la fois doté de lunettes à infrarouges, et à la fois libéré d’œillères propres à la jeunesse. La vie, alors, prend peut-être plus de valeur qu'elle n'en revêtait auparavant.

Ce livre est une leçon de vie, le récit d'une victoire, qui pourra aider bien des personnes qui se sont trouvées confrontées à une situation semblable (ou qui s'y trouvent toujours confrontées) et qui ne sont pas parvenues à en sortir ou à oublier. Oui, Virginie nous prouve noir sur blanc qu'IL EST POSSIBLE DE SABORDER UNE TELLE MACHINATION ET DE LUI SURVIVRE !!! Et la meilleure façon de mettre fin à un calvaire comme celui de l'assujettissement à un pervers narcissique, c'est de parler. À ce titre, et en guise de mot de la fin, je dirais que si le livre de Virginie Vanos ne s'était pas intitulé BATTUE !, il aurait pu très bien s'intituler PARLER !

Daphnis Boelens, 12 février 2014





VIRGINIE VANOS INTERVIEW – février 2014

1) Qu'as-tu le plus appris à travers cette terrible expérience, sur toi, sur la vie en général ?

J’ai appris que rien n’est tout blanc, rien n’est tout noir, que les apparences sont trompeuses…. Et que j’étais beaucoup plus résistante que je ne l’imaginais !

2) Te reste-t-il des séquelles de ce vécu avec Réza ?

Oui, hélas, il me reste des séquelles au niveau neurologique : je n’ai plus de rythme circadien suite aux privations de sommeil. Je tiens le coup grâce à des anti-épileptiques que je devrai prendre à vie.

3) Te sens-tu changée par ce vécu ? As-tu relevé des changements positifs, ou négatifs aussi ?

Changée… Mon Dieu, hélas oui. J’ai l’impression d’être devenue horriblement dure. Ok, c’est bien d’être la reine de la résilience, mais je suis maintenant tellement blindée que je suis sur la défensive, prête à combattre, dès que je sens que l’on pourrait me faire sciemment le moindre mal.

4) Ce vécu affecte-t-il tes relations actuelles ? Les abordes-tu de la même façon, ou avec plus de circonspection qu'auparavant, avec méfiance d'entrée de jeu ?

Ce n’est pas l’épisode Reza qui m’a changée d’un point de vue affectif, car quelques mois après la rupture, j’ai eu la chance de vivre deux ans avec un homme merveilleux. C’est plutôt mon veuvage (3 ans déjà…) qui a fait de moi ce que je suis actuellement. J’ai eu quelques aventures, j’ai parfois éprouvé des sentiments vrais… mais si je veux être lucide, je n’ai fait que servir de Kleenex à quelques mâles pensant que fragile rimait avec facile. Je suis seule, totalement seule depuis une bonne année, et je ne veux plus servir de support à fantasmes. Je ne veux plus qu’on me drague, je ne veux plus qu’on regarde ma bouche en pensant à mon cul. C’est pour cela que je me suis volontairement mise à la retraite sentimentale. Qu’on ne tente plus de me consoler, ou de me baiser… Je n’ai qu’un seul souhait, qu’on me laisse tranquille à ce niveau-là.

5) Quels seraient les conseils que tu donnerais à quelqu'un(e) qui serait confronté(e) à ce type de relations ?

Dès qu’on se rend compte qu’on est dans une relation perverse, à mon sens, il n’y a qu’une seule solution : la fuite, et au plus vite ! Aucun prétexte n’est valable pour rester…

Merci, Virginie, pour t'être confiée avec autant de franchise dans ce court entretien... de même que dans ton livre, que je conseille vivement de lire aux personnes qui ont été ou sont confrontées à ce type de problèmes, mais également à tout un chacun, car toi et moi savons, de par notre vécu, que personne, absolument personne, n'est à l'abri de ces pervers manipulateurs, qui sévissent dans tous les milieux possibles et imaginables. En guise de conclusion, je ne puis que te souhaiter, pour les années à venir, la paix et l'amour (il existe fort heureusement d'autre formes d'amour que celle entre un homme et une femme, sur lesquelles il est réconfortant de pouvoir compter). Que la vie te protège des gens mauvais... même si, avant tout, c'est à nous-mêmes d'apprendre à nous en protéger, comme tu nous l'as très bien démontré dans ton récit autobiographique qui, je le rappelle, vient de paraître en 2013 chez Edilivre et s'intitule « BATTUE ! ».

Prends soin de toi.

À bientôt. Daphnis