Daph Nobody

Daph Nobody
un homme, un regard sur l'homme

vendredi 23 janvier 2015

EUTHANASIE et SUICIDE : deux débats qui s'éternisent... PART 2 : Le suicide n'est pas une folie !


2ème PARTIE : LE SUICIDE N'EST PAS UNE FOLIE :
PSYCHIATRIE, MORALE ET INADAPTATION

Vous êtes toujours là ? Pas encore las ? Prêts pour la suite ? Parfait. Ainsi soit-il. J'en arrive donc à la deuxième partie de mon article, qui fera se crisper encore davantage les petits bourgeois, les mathématiciens du cœur, les porteurs de croix et autres philosophes modernes. Il s'agit d'une deuxième partie dédiée à ces douleurs qui ne se voient pas, qui ne sont pas de l'ordre du physique, de l'organique, mais qui peuvent tout autant transformer l'existence d'un individu en un calvaire du quotidien, et qui peuvent amplement justifier son désir de mourir : je parle, vous l'aurez compris (ou pas), des souffrances psychologiques.

Ces souffrances psychologiques peuvent tarauder un individu depuis son enfance, ou se traduire en affection chronique chez ces individus qui ont une vie si malchanceuse et triste, si violente et sans espoir, si mérulée de privations et de dévalorisation, que la seule issue viable est la mort.

Voici donc l'autre mot qui, au même titre que l'euthanasie, fait frémir et insulter :

SUICIDE

Cette deuxième partie est spécialement dédiée à ces « dits-dépressifs » (je n'aime pas la notion de « dépressif », car cela donne le sentiment que c'est un état « de facto », qui tombe du ciel ; je dirais plus justement que ces personnes sont « abattues » par la vie comme par autant de fusils de chasse) qui ont la foi en un monde meilleur après celui-ci, et dont on essaye de faire passer la foi pour de la démence ou un simple signe de désespoir camouflé (la notion d'espoir doit-elle être exclusivement rattachée à cette petite poussière dans l'univers appelée « Planète Terre » ?), ce qui décide très souvent les proches (ou pas si proches que ça, finalement) de l'enfermer en psychiatrie et de le droguer d'antidépresseurs, anxiolytiques, somnifères et autres psychotropes, le transformant en une « bonne affaire » pour les firmes pharmaceutiques à l'origine de toute cette pharmacopée du cerveau, qui n'est qu'un viol mental et rien de plus, voué à abrutir une personne, à l'empêcher de signifier son désaccord avec son destin ou avec la société, voire destiné à modifier à jamais sa personnalité et à le rendre impuissant à exprimer sa contrariété profonde et inconciliable. En d'autres termes, fonds-toi dans la masse, ou tu en seras mis à l'écart à grands coups de camisole chimique ! Si un homme se rebelle, il devient dangereux. S'il veut quitter ce monde, alors il culpabilise la société qui, ne voulant pas nourrir le sentiment d'avoir échoué avec lui et d'être la cause de son « malheur », préférera le neutraliser, le détruire elle-même, plutôt que de lui laisser la liberté de dire : ce monde ne me convient pas, je ne m'accorde pas avec ses valeurs, je n'y ai pas ma place, je m'en vais. N'est « fou » que celui qui pense différemment de la masse. Ainsi, dans la même veine, les opposants au régime de Staline, par exemple, étaient-ils considéré comme « fous » et étaient-ils conséquemment « soignés » de cette « folie » qui allait à l'encontre de « la bonne façon de penser ». Les romans et films de science-fiction (1984, Un Monde Meilleur, THX 1138...) ne sont pas loin.

En parlant de cela, je ne peux m'empêcher de repenser à ces deux films documentaires réalisés par Jonathan Caouette, un enfant qui a grandi à Huston au Texas et qui, ayant reçu une caméra aux environs de ses dix ans, depuis cet âge a filmé sa famille et en particulier sa mère Renee LeBlanc au fur et à mesure de ses séjours psychiatriques, cures médicamenteuses et autres séances d'électrochocs, qui n'ont eu pour effet que de la rendre schizophrène et de totalement transformer sa personnalité... et ce au départ d'une enfant tout à fait normale ; un cas parmi d'autres, où la psychiatrie a « fabriqué un patient » qui n'en était pas du tout un au départ.

VOLET 1 : TARNATION. L'histoire de Renee LeBlanc est un cas d'école. La voici : Enfant top model, repérée par un headhunter (chasseur de tête pour les agences de pub), la vie lui sourit. Un jour, alors qu'elle joue sur le toit de la maison familiale, elle glisse, tombe et atterrit sur ses pieds... mais sans plier les jambes. Elle reste paralysée durant de longs mois en chaise roulante. Les parents finissent par se demander s'il ne s'agit pas d'une paralysie mentale, et sur le conseil de voisins, ils lui font subir des électrochocs à raison de deux séances hebdomadaires pendant deux ans. Les problèmes psychologiques commenceront ensuite, ce qui la conduira à des séjours réguliers en psychiatrie, et à des cures de psychotropes de plus en plus puissants (Lithium, Risperdal...), ainsi qu'à de nouvelles séances d'électrochocs. Progressivement, la personnalité de Renee change, et sa raison se fissure, se métamorphosant en un état mitoyen de l'infantilisme et de la vétusté, multipliant les accès d'agressivité et les déconnections par rapport à la vie réelle. Revenons un peu en arrière. Elle a à peine vingt ans lorsqu'elle rencontre un représentant de commerce et qu'elle l'épouse. L'homme finit par la quitter assez rapidement, disparaissant dans la nature... ignorant qu'elle est enceinte. Elle se retrouve seule avec le bébé (Jonathan Caouette). Jugée inapte à s'en occuper à un moment donné, elle se voit privée de son enfant qui est placé dans des familles d'accueil successives, où il sera battu, abusé sexuellement, et tout ce qu'on peut imaginer de pire pour un enfant. Finalement, les parents de Renee récupèrent l'enfant, avant que Renee n'en obtienne à nouveau la garde. Vers ses dix ans, Jonathan reçoit une caméra et se met à filmer sa famille, et notamment sa mère, immortalisant alors pendant vingt ans la dégringolade de celle-ci dans la folie, la schizophrénie plus précisément. Ou comment la psychiatrie fabrique une folle au départ d'une personne tout à fait sensée.

VOLET 2 : WALK AWAY RENEE. On retrouve Jonathan dans la trentaine, vivant désormais à New York avec son compagnon et son enfant, s'occupant toujours de sa mère Renee, dont l'état s'est encore dégradé, au point qu'elle en oublie de payer ses loyers et factures et se retrouve systématiquement chassée de ses logis (qui, entre ses mains, deviennent des dépotoirs). Elle a perdu tout sens de l'ordre, de l'organisation, tout discernement, et est en proie à des crises d'agressivité, notamment envers son fils qu'elle accable ponctuellement de reproches. Renee a sombré dans la folie, et plutôt qu'être la mère de Jonathan, elle est devenue une petite fille dont il faut s'occuper à plein temps.

Deux films documentaires que je vous recommande chaudement, donc :
« TARNATION » (2004) réalisé par Jonathan Caouette, produit par Gus Van Sant - bande annonce : https://www.youtube.com/watch?v=mLDQL23nutw
« WALK WAY RENEE » (2011) (suite de TARNATION) réalisé par Jonathan Caouette


Renee jeune © Jonathan Caouette, Tarnation, 2004


Renee trente ans plus tard, avec son fils Jonathan © Jonathan Caouette, Walk Away Renee, 2011


Je vous conseille aussi, dans la foulée, un documentaire très impressionnant sur les dessous de la psychiatrie. Alors, pour que les choses soient claires : ce documentaire émane de la CCHR (la Commission des Citoyens pour les Droits de l'Homme), qui a été fondée par la scientologie, et le but suprême de l'opération est de mettre en valeur les théories de la scientologie. Gardez cela en tête, donc voyez le documentaire avec le recul nécessaire. Cependant, ce qui est dit dans le documentaire soulève matière à réflexion par rapport au monde de la psychiatrie, et amène le spectateur à la plus grande des prudences quant à la consommation de psychotropes, ce qui est une excellente chose.


« Ce documentaire choc, qui comporte des scènes historiques et des interviews actuelles de plus de 160 médecins, avocats, enseignants, survivants et experts concernant l’industrie de la santé mentale et ses abus, révèle la vérité sur la pseudoscience brutale et les actes frauduleux qui rapportent plusieurs milliards de dollars à la psychiatrie. »

https://secure.cchr.org/fr/store/documentaries-and-dvds/industry-of-death.html
http://fr.cchr.org/videos/marketing-of-madness.html

Abus, viol mental, fabriquer une schizophrène, modifier la personnalité de quelqu'un, effacer la souffrance d'un être quitte à faire table rase de ses spécificités pour le transformer en un robot neutralisé, improductif, assisté, handicapé, mais consommateur de psychotropes et donc rentable pour l'industrie pharmaceutique, endurcir quelqu'un, condamner sa fragilité comme une tare, élaborer des théories censées apporter la solution suprême donnant raison aux natures guerrières et donnant tort aux esprits plus sensibles...

Tout cela me fait penser à un passage très fort – ma foi, une réflexion essentielle – du livre plus qu'intéressant sur le thème de la bipolarité, écrit par Benjamin Nemopode (« Un autre regard sur la bipolarité – Il n'y a pas de honte à préférer le bonheur » - http://www.amazon.fr/Un-autre-regard-sur-bipolarit%C3%A9-ebook/dp/B008RLDS9O) : « Je ne crois pas à cette phrase de Nietzsche qui dit que ce qui ne tue pas rend plus fort, la souffrance détruit la personnalité, elle détruit l'être. De plus lorsque vous souffrez vous avez besoin de tout le monde et personne n'a besoin de vous. Il faut aussi lutter contre le regard qu'ils portent sur vous, comme si vous étiez coupable. Ils ne sauront jamais cette souffrance mais la jugent pourtant souvent. Beaucoup vous délaissent. Il n'y a rien de romantique à la douleur psychique (...) » © Benjamin Nemopode, 2012. LISEZ CE LIVRE !

Tout est dit, merci Benjamin pour briser ainsi le mythe insupportable de l'homme-robot au cœur de ciment et au mental d'acier, formaté pour passer à travers tout sans jamais (ré)fléchir. Un mythe qui, personnellement, m'indispose autant que de voir de jeunes désespérés se massacrant avec cette nouvelle « drogue du pauvre » venue tout droit de Russie et surnommée « Krokodil » – encore un sujet que je développerai dans un article un jour prochain, âmes sensibles s'abstenir. « Drogue », cette mort de substitution...

Oui, il faut cesser de croire que tout dépend de soi, et qu'un humain est une machine qui souffre, qui encaisse et qui se relève toujours (qui, de surcroît, n'est respectable que si elle se relève) parce que ça fait bon genre de se relever pour pouvoir ensuite clamer fièrement : j'ai été plus fort que les gens qui m'ont tué ou que le destin qui m'a meurtri, je me suis relevé, ce qui veut dire que si moi je me suis relevé, alors tout le monde DOIT se relever et reprendre sa vie avec plus de force encore, quel que soit le mal subi.

Il existe des êtres plus fragiles que d'autres, et maudits soient les parangons du bodybuilding qui s'escriment à les rendre plus forts, plus durs, en estimant qu'il s'agit de la seule voie viable ou raisonnable, et qu'on ne peut être pleinement épanoui autrement. Encore une fois, il faut arrêter de décider de ce qui est bien ou mal pour autrui, de juger/déprécier/stigmatiser les choix d'autrui, et encore moins de vouloir extraire une personnalité pour l'étouffer d'une coulée de ciment ou pour la modifier génétiquement par une formule mathématique ou de quelque autre science (physique quantique, etc...), elle-même calquée sur des archétypes de surhommes qui défraient la chronique du star-system, de la politique ou de la finance. Dans le monde, il y a des snipers, puis il y a des fleuristes, et le degré de sensibilité n'est pas le même pour l'un et pour l'autre. Ce n'est pas pour autant que le sniper est plus valable/honorable/accompli/méritant que l'autre. Je dirais seulement que le sniper est plus adapté que le fleuriste à ce monde qui est un film de violence, de haine, de traîtrise et d'ostracisme. Mais est-on plus respectable humainement en s'adaptant à un monde épouvantable, que celui qui, de par sa fragilité, sa sensibilité, sa justesse, sa lucidité, sa pureté quasi infantile, ne pourra jamais s'adapter à une jungle infernale mais pourra, en revanche, s'intégrer sans la moindre difficulté à un autre monde dont les valeurs éthiques primeront, comme celles du respect de la différence, de l'amour, du sens de l'engagement, de la solidarité, de l'équité ? Est-on meilleur pour s'adapter à un monde merdique en devenant soi-même une machine de guerre, ou n'est-on pas justement meilleur parce qu'on est incapable de s'adapter à un monde immoral ? Je pose la question, à chacun et chacune d'entre vous d'y répondre pour vous-mêmes devant le miroir. Conseil d'ami : évitez cependant les « miroirs truqués » dont parlait Françoise Dorin dans son roman du même titre. Car on peut facilement confondre les amanites phalloïdes et les coulemelles ; les connaisseurs en mycologie me comprendront.

"Ce n'est pas un signe de bonne santé mentale d'être bien adapté à une société malade."
Jiddu Krishnamurti

N'avez-vous jamais observé les disparités qui s'inscrivent autour de vous, tels des tatouages sur la peau des gens que vous côtoyez ? N'avez-vous jamais remarqué que sur l'un s'abattent toutes les foudres, tandis qu'à l'autre la vie sourit systématiquement ? Bien sûr, il sera dans l'intérêt du chanceux de dire que s'il l'est c'est uniquement parce qu'il fait tout pour l'être, qu'il prend toujours les bonnes décisions au bon moment et qu'il s'entoure des bonnes personnes (et il ne se privera d'ailleurs pas de vous faire la leçon pour vous aider à vous « améliorer » du haut de sa chaire). Car de reconnaître qu'il a juste de la chance l'amputerait de tout ce qui fait sa fierté et faucherait d'un coup sa confiance en soi, aussi condescendante qu'un chat qui zyeute une souris prise au piège de ses griffes. Alors, il préférera dire que le malchanceux ne doit sa malchance qu'à son sale caractère, ses mauvais choix, ses lamentations et son manque de constructivité, son pessimisme, son défaitisme ou encore sa maladresse. Ce qui constituera pour le malchanceux, comme pour l'enfant violé dont on ne reconnaît pas le viol, un second viol. N'être pas compris dans sa maladie (et je considère à juste titre que la malchance, quand elle est systématique, est une maladie) est un des pires châtiments.

L'invisible et le non-quantifiable n'étant pas reconnus, quand un homme à bout de forces psychologiques, même s'il n'est pas en phase terminale d'un cancer ou réduit à l'état végétatif sur un lit d'hôpital, émet le souhait de mettre fin à ses jours, on le traitera de fou, d'égoïste (l'égoïste n'est-il pas plutôt celui qui exige que l'autre reste en vie simplement parce que ce dernier lui manquera ou parce qu'il lui est utile ?), d'impulsif, de capricieux reproduisant une crise d'adolescence. Mais finalement, on ne l'écoutera pas. On ne s'écoutera que soi-même dans cette auto-satisfaction (que je qualifierais de préhistorique) encadrant l'orgueil, l'arrogance, l'ambition que l'on s'est forgés comme seuls comportements prouvant que l'on est adulte et mature. Mais la maturité n'est-elle pas, justement, d'accepter qu'il existe des personnes différentes de soi, dont la résistance à la douleur est moindre que la nôtre ? Si l'un défaillira à la vue d'une goutte de sang, l'autre sombrera des suites d'une histoire d'amour ravageuse, l'autre encore souffrira d'un trait physique que la société a catalogué comme disgracieux, comme une trop petite taille, une surcharge pondérale, un pied bot. Certains seront indifférents à leur taille, à leur poids, à leur morphologie, d'autres en souffriront. Et cela ne signifie pas que les premiers sont matures et que les seconds se comportent comme des enfants. Il ne faut pas aligner toutes les sensibilités sur un même seuil de douleur, de la même manière qu'il convient d'éviter de comparer les souffrances. Mais force est de constater que certaines personnes sont plus gâtées par la vie et par la nature que d'autres, et de ma propre expérience je peux affirmer que ce sont ces personnes-là qui jugeront facilement la personne qui souffre et dévaloriseront sa différence, son handicap, la rendant encore plus démunie et infériorisée. Et tout cela en prétendant vouloir l'aider !

Cette blague de Coluche me vient toujours à l'esprit quand je lance ce débat sur la différence entre les destins, sur la chance qui caresse les uns et la malchance qui frappe les autres : "Dieu a dit : il y aura des hommes grands, il y aura des hommes petits, il y aura des hommes beaux et il y aura des hommes moches, il y aura des hommes noirs et il y aura des hommes blancs... Et tous seront égaux ; mais ça sera pas facile tous les jours... Et il a ajouté : il y en aura même qui seront noirs, petits et moches et pour eux ce sera très dur !"

Cela porte à rire, certes. Mais dans le fond, ce qu'il dit est affreusement vrai. L'injustice fait partie intégrante de ce monde (ce qui explique que ce monde ne fonctionne pas, vire systématiquement au désastre, crée des hommes violents par dépit et provoque des suicides par désespoir ou incapacité d'adaptation), et ceux qui la subissent peuvent être marqués à vie ; s'ils expriment le désir d'en finir avec cette existence, il ne faut pas les juger, encore moins les condamner, mais chercher à les comprendre, et respecter leur choix, sans les emplir de culpabilité, de peur, de honte, leur insuffler un sentiment de lâcheté. Aimer quelqu'un, c'est respecter ses choix et les soutenir, spécialement si ses choix vont à l'encontre des nôtres. Car soutenir quelqu'un qui pense comme nous, ma foi, c'est facile, ça ne demande aucun effort.

Dans l'optique où ces personnes souffrant psychologiquement émettent le désir de mourir, elles se voient blâmées et critiquées bien plus encore qu'un homme gravement malade souhaitant l'euthanasie. Si l'on dénonce l'euthanasie d'un malade comme traitement barbare, on incrimine plus encore le souhait d'euthanasie pour quelqu'un dont la souffrance est davantage mentale que physique, et par conséquent non visible sur un écran de radiologie. Ainsi que l'expliquait très pertinemment le reportage sur LA PSYCHIATRIE (La vérité sur ses abus) dont je parlais précédemment dans cet article : un cancer des poumons se voit, une tumeur au cerveau se voit, une malformation faciale se voit... mais une souffrance psychologique, aussi faible ou aussi puissante soit-elle, ne peut pas se voir par scanner, échographie ou autre imagerie médicale. Du coup, en quoi la bipolarité ou quelque autre forme de comportement dit « asocial » pourrait-il être traité comme une maladie ? Après tout, la dépression, la cyclothymie, l'inadaptation au monde, sont des CONSÉQUENCES et non des causes. Ne serait-il pas plus intelligent de s'attaquer aux CAUSES, celles-ci étant la plupart du temps la société dans laquelle nous vivons, avec ses injustices, ses normes, ses religions, ses politiques, ses violences, ses disparités et ses ignominies en tout genre ? Avons-nous peur de nous attaquer aux CAUSES ? Il est si facile de s'en tenir à soigner les conséquences : n'est-ce pas là que se trouve la VRAIE lâcheté ?

Mais rassurez-vous, il n'est pas trop tard pour adopter une autre attitude si jusqu'ici on avait tendance à se comporter avec dénigrement et supériorité, ou à ne prendre en considération que les conséquences. Rappelons-nous toujours que l'humilité est la plus belle qualité humaine qui soit, et que seuls les cons ne changent pas d'avis.

Ainsi, cet article aura-t-il ouvert de nombreux débats, qui méritent réflexion et non jugement. Que celles et ceux à qui l'idée de se suicider n'a jamais effleuré l'esprit ne se croient pas à l'abri de forces bien plus puissantes que celles, risibles, qui émanent de leur crâne ou de leurs bras. Nous n'avons pas créé l'Univers, ne l'oublions pas. Il suffit d'une vague géante, d'un séisme ou d'un typhon pour nous balayer comme une miette d'une pichenette ; et cette vague géante, ce séisme et ce typhon eux-mêmes ne sont pourtant rien face à l'Univers qu'ils n'ébranlent pas d'un pouce. Gardons à l'esprit que nous sommes moins que rien... mais que nous devenons quelque chose de grand, de géant, de puissant, quand nous AIMONS AVEC SINCÉRITÉ. Alors, aimons-nous les uns les autres, ne trahissons pas en amour ou en amitié, n'humilions jamais quelqu'un de fragilisé, ne nous servons pas non plus de son amour afin de le martyriser et en faire notre esclave pour le jeter ensuite comme une vieille chaussette trouée, et ne violons jamais, car en le faisant nous pouvons détruire quelqu'un et le conduire à mettre un terme à son existence. Soyons responsables de nos actes et de leurs conséquences, et au lieu de nous contenter de nous excuser verbalement, choisissons plutôt de RÉPARER NOS ERREURS et le mal que l'on commet, car la véritable preuve de maturité et d'humilité se trouve là. Ne sera jamais mature celui ou celle qui est incapable de réparer ses erreurs. Clin d'oeil inévitable à Maria Bazeliza Melgar de la secte à Tassin La Demi-Lune.

En conclusion, et pour couper court à toute ambiguïté s'il en est dans mon article (ce dont je doute fort) : OUI, JE SUIS POUR L'EUTHANASIE ET LE SUICIDE quand une personne souffre trop physiquement ou psychologiquement (et ce n'est pas à un tiers de juger de son degré de souffrance mais à l'individu concerné !!!), comme je suis POUR LA PEINE DE MORT pour des CRIMINELS DONT LES ACTES TÉMOIGNENT DE LA PIRE DES HORREURS OU DE LA BARBARIE, QUE CE SOIT SUR UN INDIVIDU, SUR PLUSIEURS OU SUR UN PEUPLE ENTIER. Voilà, c'est dit. Et que ceux qui m'insultent pour mes prises de position passent leur chemin, leur étroitesse d'esprit m'indispose.

Bonjour chez vous !

Daphnis Olivier Boelens, janvier 2015

jeudi 22 janvier 2015

EUTHANASIE et SUICIDE : deux débats qui s'éternisent... PART 1 : L'euthanasie n'est pas un état nazi !

L'euthanasie n'est pas un état nazi !!!
MOURIR : LE DROIT LE PLUS FONDAMENTAL
ET LE PLUS INALIÉNABLE DE TOUT ÊTRE VIVANT
par Daphnis Olivier Boelens, janvier 2015

Dans la série « comment se faire de nouveaux ennemis un peu partout avec le sourire en mettant le doigt sur ce qui fâche, choque ou dérange », je vous propose aujourd'hui la chronique du livre : « Je vous demande le droit de mourir » de Vincent Humbert. L'histoire d'un garçon qui a supplié qu'on lui abrège ses souffrances intolérables, et dont le décès en 2003 a fait quelque peu bouger les choses... mais si peu, cependant. Qu'attend-on pour franchir le pas ? L'Har-Maguédôn ?





Il est de ces sujets qui, à leur seule évocation – un mot suffit ! –, installent un froid soudain ou suscitent des réactions violentes dont la spontanéité est viscéralement faussée par une éducation souvent inconsidérée, pathologiquement ancrée et jamais remise en question. L'enfer que j'ai moi-même vécu auprès de la secte de Tassin La Demi-Lune via la famille Melgar démontre par A+B que les préceptes judéo-chrétiens sont encore bien institués dans les mentalités, au grand dam du bon sens et de l'humanisme. Et ces préceptes se dressent (sans le savoir ?) contre la notion même d'AMOUR, la notion la plus essentielle qui soit.

La société humaine contemporaine se régit à la force de normes, de lois, de dogmes (religieux, éthiques, culturels...), qu'elle n'envisage même pas de passer au crible d'une véritable réflexion, au tamis d'une méditation affranchie d'archaïsmes obscurantistes et dont l'Histoire a démontré mille fois l'absurdité et les conséquences désastreuses tant sur le plan individuel que collectif. La cécité, oserais-je dire, est le plus répandu des cancers au sein de notre civilisation : le sectarisme aveugle et dévaste l'humanité depuis des milliers d'années, et nous continuons ainsi à subir des conséquences de conséquences, dans un processus de répliques sismiques qui semble sans fin.

Rien n'est plus dramatique que d'adhérer à des notions « parce que c'est comme ça ! », sans qu'elles reposent sur des fondements mûrement élaborés dans une visée de progrès, d'amélioration de la vie humaine, d'émancipation et d'amour. Cette résiliation pathologique, qui auréole un amour-propre tribal s'articulant autour de la prétention suprême d'« être dans l'esprit de Dieu », d'« être dans la Vérité », de savoir ce que Dieu veut pour les créatures de Sa Création, provoque encore aujourd'hui, au 21ème siècle, des situations dont le caractère dramatique n'a rien à envier à l'ère de l'Inquisition. Les termes de « tabou », « péché », « enfer », « évangélisation »... emprisonnent l'humain dans un carcan mental qui ne lui permet plus de développer un sens du discernement suffisant pour opérer une distinction argumentée entre le bien et le mal, le beau et le laid, entre ce qui est moral et ce qui ne l'est pas. Ainsi ne se surprend-on pas de voir le mal se commettre au nom du bien, et le bien condamné comme un acte inspiré par le mal ; on tue, viole et tyrannise au nom de la Foi en un Dieu d'amour... ou plutôt au nom d'une religion, ce qui est très différent. Pas étonnant non plus de recenser des gens qui découragent ou condamnent quelqu'un dénonçant des individus/institutions aux aspirations et desseins maléfiques, et qui prennent parti pour les criminels religieux. C'est ce qui m'a le plus frappé dans mon propre combat contre la secte de Témoins de Jéhovah satanistes de Tassin La Demi-Lune : ce mélange de peur et d'inconscience, d'irresponsabilité et d'indifférence chez les « spectateurs ». Ce constat m'a permis de mieux saisir ce qui s'est passé en 1940, comment l'idéologie génocidaire nazie a pu si facilement s'installer en Allemagne, et même encourager d'autres pays à y participer en y voyant du bien (Régime De Vichy, etc...) ; si l'on est convainquant, de fait, on peut faire adhérer le peuple à n'importe quelle idéologie, aussi extrême, ignoble, absurde soit-elle. Témoins de Jéhovah satanistes de Tassin La Demi-Lune et IIIème Reich, même combat.

Mais ne nous égarons pas. Le sujet que je traite présentement n'est pas Tassin La Demi-Lune mais un autre tout aussi délicat... J'écrivais il y a un instant qu'« un seul mot suffit ». Voici le mot auquel je faisais allusion dans le cadre de cet article :

EUTHANASIE

Ma définition personnelle de l'euthanasie est la suivante : « Mort pleinement désirée et organisée délibérément en vue de soulager les souffrances d'une personne dont l'état est sans issue, spécialement à la demande de la personne concernée, à la demande d'une personne de son entourage qui s'est engagée à ne pas la laisser s'éteindre dans une mort qui violerait sa dignité humaine ou qui lui vaudrait les plus atroces souffrances physiques ou psychologiques, ou encore à la décision d'un représentant du corps médical qui reconnaît son incapacité à guérir un patient gravement atteint ou à alléger ses souffrances de quelque autre manière. » Mais la définition de beaucoup de gens tend plutôt à abonder en ces sens réducteurs : « Homicide volontaire, acte de barbarie, péché mortel condamné par Dieu, atteinte aux Droits de l'Homme, etc... »

L'opposition drastique et inconciliable entre ces deux visions de la chose, vous en conviendrez, mérite de soulever le débat une fois encore, en essayant d'aller encore un petit pas plus loin. Ce que je vais humblement tenter de faire dans cet article. Je ne prétends pas qu'il permettra de faire évoluer les mentalités. Mais si une seule personne, à l'issue de celui-ci, se pose des questions sur ce qu'elle pensait être juste en portant l'anathème sur l'euthanasie, alors je ne l'aurai pas écrit dans le vent.

Peut-on affirmer que l'on « aime quelqu'un » et empêcher que ses souffrances soient abrégées ? Et si, avant de trancher ou de crier son indignation, on se glissait un instant dans la peau de la personne qui souffre le martyre ? Aimerions-nous nous trouver dans cet état, soumis à cette épreuve de la vie, et serions-nous enchantés qu'au nom de « l'amour », de la « religion » et de la « loi » on nous laisse mariner pendant des années dans la torture ?

Comme dans les pays dit « civilisés » on condamne la torture au sens propre (bien que Guantanamo, Abou Ghraib... nous prouvent que l'homme « civilisé » peut lui aussi s'adonner à des actes de barbarie), pourquoi ne peut-on condamner de la même manière la torture exercée par une maladie, une malformation ou un choc traumatique ?

En un temps passé (révolu ?) et à l'éthique balbutiante, on a décrété qu'un être humain n'avait aucunement le droit de mettre fin à ses jours même quand il n'en pouvait plus de ses souffrances, aussi intolérables soient-elles, et que, dans le même ordre d'idées, personne n'avait le droit d'abréger le calvaire d'une personne. En d'autres termes : si un humain souffre, telle est la volonté de Dieu. Quand l'euthanasie est suggérée ou à peine insinuée, on parle immédiatement de crime, de violation de la liberté individuelle, de manquement aux Droits de l'Homme, de péché mortel... On évoque tous les cas d'abus possibles (en cas d'adoption de l'euthanasie) pour instaurer une interdiction généralisée et sans nuance. Au nom de tous ces abus possibles, on refuse d'introduire l'euthanasie dans nos mœurs. Alors pourquoi, au même titre, au nom de tous les abus possibles, n'interdit-on pas la production d'armes de guerre, d'énergie nucléaire et d'alcool ? Deux poids, deux mesures, comme toujours dans cette Institution branlante appelée la Justice.

Depuis l'affaire Humbert, on autorise (encore que ce soit très relatif et affreusement procédurier), non sans un festival de démarches administratives invraisemblables donc, le droit de suspendre un traitement chez un patient, afin de précipiter sa mort (euthanasie « négative » ou « passive »), mais on interdit toujours formellement d'administrer quelque substance à même de mettre fin plus rapidement à une vie de douleur (euthanasie « positive » ou « active ») (il faut savoir que dans le cas de l'euthanasie « négative » ou « passive », après la suspension d'un traitement, le patient peut encore vivre des jours, des semaines, des mois de souffrances). Je ne parle ici que de douleur physique ; je parlerai, dans un deuxième temps, de douleur morale, psychologique, où le débat est encore plus fiévreux et radical, car comme nous le savons, un mal (tout comme un crime) qui ne se voit pas à l’œil nu est considéré comme un mal (ou un crime) qui n'existe pas, qui relève de la fantaisie, de l'exagération, du délire ou de la folie... de la victime, bien sûr ! Je pose la question : sommes-nous vraiment dans un monde évolué ? Sommes-nous vraiment en ordre avec nos consciences ? Agissons-nous en écoutant notre cœur ou, quand ce n'est pas par égoïsme pur, en obéissant à de sordides pré-acquis ?

Revenons au livre de Vincent Humbert, qui est, ma foi, des plus explicites quant au paradoxe d'une société qui est parvenue à envoyer une fusée sur la lune mais qui n'est toujours pas capable de concevoir que la souffrance, au-delà d'un certain seuil, n'est pas acceptable – car quelle différence y a-t-il entre un médecin bourreau qui supplicie un prisonnier dans un camp de concentration et un autre médecin qui regarde un patient souffrir le martyre sur un lit d'hôpital puis lui tourne le dos et quitte la chambre pour se rendre dans la suivante, opérant tranquillement sa tournée d'inspection matinale et protocolaire avant d'aller déjeuner ? Provoquer la douleur chez quelqu'un ou la contempler froidement, mathématiquement, même topo, non ? Même si, de toute évidence, il faut des gens qui, à l'instar des chirurgiens, peuvent soigner des blessés ou des malades sans s'apitoyer sur leur sort ou afficher un profond bouleversement. Car si les médecins pleuraient à chaque patient, le nombre de morts parmi les gens hospitalisés battrait de sombres records.

À mon sens, toutefois, il devrait exister, dans la Constitution de chaque pays qui se prétend « civilisé », une formule du style : « non-assistance à personne en souffrance », qui, de la même manière que pour la « non-assistance à personne en danger », condamnerait quelqu'un à une peine de prison, pour le cas où ce quelqu'un entretiendrait la douleur d'une personne contre son gré ou contre un principe élémentaire de dignité humaine si le souffrant n'est plus en état de faire part lui-même de sa souffrance et de décider de son propre sort. Je suis conscient que ces mots que je suis en train d'étaler sur papier en ce 5 janvier 2015 à 4h02 du matin choqueront bon nombre de cruels imbéciles « bien-pensants » et autres « bourgeois » de la médecine ou de la moralité religieuse toutes confessions confondues. Mais si c'est le cas, tant mieux ! Cela dit, de nos jours, un texte peut-il encore secouer les mentalités et faire bouger les choses ? J'en doute. Aujourd'hui, on a le sentiment que les mots n'ont plus de poids, c'est pourquoi le terrorisme s'est enraciné partout.

24 septembre 2000. Une fin d'après-midi. Une petite route de campagne. Une voiture roule paisiblement. À son bord, Vincent Humbert. Soudain, un camion arrive en sens inverse, trop rapide, il ne freine pas à temps, et c'est l'accident. La petite voiture est en bouillie, ainsi que son occupant. S'ensuivent neuf mois de coma, puis des mois de traitements, soins et autres interventions. Vincent en sort vivant, mais complètement paralysé à vie, sans aucun espoir de récupération. Son état n'évolue pas, mais il conserve sa conscience (il a d'ailleurs fallu des mois pour le réaliser ! alors qu'on le croyait à l'état végétatif ; sans l'acharnement de sa mère, personne n'aurait effectué le moindre test pour s'en assurer et on aurait décrété qu'il ne souffre pas car il ne se rend compte de rien), et communique à l'aide de son pouce, seule partie de son corps qu'il peut encore bouger. Sa mère élabore alors un système pour le faire parler : elle lui dicte les lettres de l'alphabet, et il bouge le pouce chaque fois que résonne la bonne lettre. Ainsi, il forme des mots, puis des phrases... et un jour, cela devient un récit autobiographique. Tout cela, grâce à une mère persévérante que les médecins traitaient de folle pour s'acharner à vouloir encore communiquer avec son fils « mort-vivant ». Cette même mère à qui Vincent fera jurer de le tuer si le Président de la République (Jacques Chirac à l'époque) refusait de lui accorder officiellement le droit de mourir. Elle fera « euthanasier » son fils en date du 24 septembre 2003... ce qui lui vaudra d'être placée en garde à vue et accusée d'homicide volontaire. Fort heureusement, l'affaire fait grand bruit (surtout après que Vincent a adressé lui-même une lettre au Président Chirac, ce qui attirera sur lui tous les médias, ne pouvant plus laisser son cas passer inaperçu aux yeux de l'opinion publique), et elle ressortira du Tribunal libre, le dossier ayant abouti à un non-lieu. Cela a-t-il pour autant changé les mentalités ? Ou fait réfléchir ne serait-ce qu'un poil sur l'invraisemblance de ce rejet idéologique de l'euthanasie ? Pas le moins du monde !

Les déclarations de l'ancien kiné de Vincent, Hervé Messager, survenues peu après le décès du garçon, contredisent, pour ne pas dire qu'elles nient catégoriquement la souffrance de Vincent Humbert. Messager estime que Vincent ne souffrait aucunement : « Il ne souffrait pas physiquement. Je suis formel. Ce jeune avait besoin d'être encouragé à vivre. Il ne fallait surtout pas entrer dans son jeu. » En 2007 encore, il affirme qu'on a exagéré les choses pour justifier cette « euthanasie », en d'autres termes : ce meurtre ! Mais de quel jeu parlez-vous, monsieur Messager ??? Sa souffrance physique a été décrite par lui-même dans le témoignage qu'il a pu dicter grâce à son pouce fonctionnel. Et au-delà de la souffrance physique, il y avait aussi la douleur psychologique. Voilà un garçon qui ne pourrait jamais plus marcher, ni nager, ni danser, ni faire l'amour, ni rien. « Ce gamin avait encore plein de choses à vivre. », dites-vous. Plein de choses, vraiment ? Mais avez-vous seulement idée de ce que peut être une vie où l'on ne peut plus rien faire par soi-même ??? Où l'on est réduit, comme Vincent l'explique très bien dans son récit, à l'état d'un petit enfant qui a besoin de quelqu'un pour l'aider à tout faire, car il ne peut plus rien faire par lui-même. Et vous osez affirmer que ce garçon ne souffrait pas ??? Seriez-vous prêt, dès lors, à être mis vous, personnellement, dans un état physique similaire au sien, en souffrance et en aliénation complètes et permanentes, dans l'humiliation due à l'impossibilité de tenir sa propre bite pour pisser et de se torcher le cul tout seul, et à jouir ainsi de la vie, de cette « nouvelle vie », pour les quarante années à venir ? Non ? Tiens, pourquoi donc ? Ah, oui, vous tenez à votre motricité, vous tenez à vivre pleinement, à baiser, à vous promener dans les parcs et sur les plages, à conserver votre liberté et votre autonomie... C'est bien ce qu'il me semblait aussi ! Il n'est pas dans mes habitudes d'user de ce type de langage, mais il ne me vient que ces mots à l'esprit quand je pense à vous : « Ferme ta gueule, ça t'évitera de dire des conneries ! ». Ou, dit plus poliment : « Le négationnisme est un viol, et dans certains cas est condamnable devant un Tribunal de Justice. »

Spécialement pour vous, monsieur Messager, voici des extraits du livre de Vincent Humbert, qui montrent clairement l'ampleur de sa douleur extérieure mais aussi intérieure, et qui ne laissent planer aucun doute non plus sur le fait qu'il désirait lui-même mourir, et qu'il ne s'agit donc pas d'un meurtre mais d'un suicide assisté et consenti ! Et quand, de surcroît, j'entends le philosophe Jacques Ricot déclarer que le téléfilm qui en fut tiré (même s'il est un peu superficiel, comme tous les téléfilms) porte un titre ambigu (« Marie Humbert, l'amour d'une mère » ; où est donc l'ambiguïté dans ce titre, cher monsieur ? Insinueriez-vous qu'elle ne l'aimait pas/plus et qu'elle l'a en réalité assassiné parce qu'il était devenu un fardeau pour elle ?) et n'est qu'une opération de propagande pour l'euthanasie, je hurle !!! Mais pour qui vous prenez-vous pour minimiser ainsi la souffrance d'un être humain ???

Quelques extraits du livre :
p.13, première page du livre : « Dans trois heures les infirmières repasseront pour de nouveaux soins, pour me retourner, pour voir si tout va bien, pour me remettre le masque qui m'aide à respirer. Si elles savaient qu'au bout de dix minutes déjà je n'en peux plus, que j'ai envie de bouger, que j'ai mal partout, que j'ai des crampes, que je peine à respirer, que j'ai envie de quitter ce lit, cet endroit, cette chambre sordide ! Enfin, je suppose qu'elle est sordide, car je n'ai jamais pu la regarder : j'ai perdu la vue, l'odorat, le goût, l'envie de vivre. Mais ce lieu dans lequel je me trouve, cet univers que je n'ai pas voulu et qui m'est imposé est forcément sordide puisqu'il respire la mort, puisqu'il respire ma mort. »

p.16 : « Oui, je persiste : je veux mourir parce que cette vie de merde qu'on me fait vivre depuis mon accident, je n'en peux plus, je n'en veux plus. Ce n'est pas une vie, ce n'est pas ma vie. »

p.43 : « Au CHU de Rouen, quand (ma mère) s'est aperçue que de toute façon c'était foutu, que je me battais inutilement, elle a dit aux médecins :
Laissez-le tranquille, maintenant, c'est fichu, laissez faire la nature.
Et là, les médecins lui ont répondu :
Mais, madame, Vincent n'est plus à vous. Il est majeur, c'est lui seul qui décide.
Majeur ! Quelle hypocrisie ! Dans l'état où j'étais, quelle décision pouvais-je prendre ? »

p.45 : « (Ma mère) a dû les harceler pour qu'enfin on lui explique sans ambages que j'étais « comme un ver de terre ». Une expression qui l'a marquée, on peut le dire ! C'est un interne qui lui a dit cela pendant mon séjour à Rouen. Il a expliqué à ma mère que j'étais comme un ver de terre que l'on coupe en deux. Le ver est mort, mais les deux bouts bougent encore. « Eh bien, votre fils sera pareil. »

p.67 : « Depuis le 24 septembre 2000 (...), je n'ai plus jamais mangé. Ma seule nourriture, c'est cette sonde qui entre dans mon ventre et qui m'envoie du lait dans l'estomac. Du lait et un peu d'eau. »

p.77 : « Il y a des jours, j'aurais préféré ne pas avoir retrouvé toute ma tête pour ne pas penser à tout ce à quoi je pense dans la journée, et même le nuit. Avec le temps, mon envie de me battre s'est atténuée, presque éteinte. Chaque fois que je m'apercevais que mon état ne s'améliorait pas, je prenais un nouveau coup de canif, une nouvelle blessure morale. »

p.87 : « Cette envie de mourir, je l'ai depuis des mois. Depuis mon réveil. Mais elle était un peu engloutie au fond de moi. C'était un peu comme un bouton de pus qui grossit lentement sous votre peau et qui un jour éclate parce que quelqu'un appuie dessus. »

p.101 : « (...) je ne baiserai plus jamais. Or, comme tout le monde, j'aimais ça. Comme tous les jeunes de mon âge, j'avais découvert les plaisirs du sexe. Quand j'en parle avec mon frère qui doit avoir une centaine de gonzesses à son tableau de chasse, ça me fait à la fois du bien et du mal parce que je sais que tout cela je ne le vivrai plus. Draguer une belle fille, la séduire, passer la main dans son cou, dans ses cheveux, la serrer très fort contre soi, puis découvrir son corps, la caresser, l'embrasser, lui faire l'amour. (...) Alors, je vous repose la question. En voulez-vous, de cette vie ? Si maintenant vous me dites oui, c'est que vous êtes vraiment timbré. (...) Moi, vous le savez maintenant, je n'en veux plus de cette vie. »
© Éditions Michel Lafon, 2003 /propos recueillis et texte élaboré par Frédéric Veille sur base du récit de Vincent Humbert ; « Je vous demande le droit de mourir » - ISBN : 2-84098-992-1

Il me semble que ces extraits témoignent assez explicitement de moult souffrances physiques et psychologiques qui ne relèvent pas du délire ou de l'exagération, et ce sans que le doute soit permis. S'il est une seule chose à respecter en ce monde et à ne pas chercher à nier, c'est précisément la souffrance d'autrui. Il est facile de critiquer quelqu'un qui souffre ou nier/dévaluer sa souffrance quand on a soi-même tout le nécessaire que lui n'a pas, n'a plus ou n'aura jamais, et qu'on ne souffre pas soi-même d'un mal similaire. À tous les individus bien-portants qui se permettent de critiquer les personnes en souffrance pour leur soi-disant « manque de courage », « tendance à l'exagération et à la dramatisation » ou leur « défaitisme », ainsi qu'à ceux qui condamnent et interdisent le suicide de ces victimes (qu'il soit réalisé de manière autonome ou par euthanasie assistée), je leur souhaite de subir d'aussi terribles revers de la vie. Non pas dans une visée vindicative, mais uniquement d'un point de vue pédagogique, car on ne peut mieux comprendre une situation/souffrance, qu'en les ayant soi-même éprouvées. Visiblement, tout le monde ne présente pas une propension innée à l'empathie.

Personnellement, jamais je ne me suis permis de juger une personne qui souffre, que ce soit physiquement ou psychologiquement. N'oubliez pas qu'aucun d'entre nous n'est à l'abri d'une souffrance similaire, et que lorsqu'on se croit plus fort que le diable, celui-ci finit par assener le coup de grâce pour réaffirmer son pouvoir. On ne contrôle pas son destin, c'est le destin qui nous contrôle. N'inversons pas les rôles. Les gens qui se croient plus forts que les forces de l'univers m'apparaissent comme ridicules, prétentieux, et ils jugent et agissent souvent avec mépris, perversité et condescendance. J'ai connu de nombreuses personnes de cet acabit, et j'avoue ne pas pouvoir contenir un sourire en coin quand j'en retrouve certaines des années plus tard en dépression ou frappées par une maladie grave. « Ah bon, tu ne vas pas bien ? Mais tu ne m'avais pas dit que tout ne dépend que de soi, qu'on a le contrôle absolu sur son destin, et que si quelque chose nous arrive c'est qu'on l'a bien cherché ? » Je vous entends déjà conclure que je suis cynique en agissant de la sorte. Mais rien n'est plus cynique que ces personnes qui vous observent quand vous souffrez et supputent que vous jouez à vous faire apitoyer ou affirment que vous vous complaisez dans votre souffrance, voire vous traitent de loser, d'animal sans courage, sans dignité, ou de sale gamin.

Bref, revenons au récit autobiographique de Vincent Humbert.

Comment ne pas faire le rapprochement avec l'affaire Vincent Lambert encore en cours, l'histoire de cet infirmer victime d'un grave accident de moto en 2008, réduit, lui, à un état végétatif, et dont l'euthanasie est systématiquement repoussée d'un tribunal à l'autre, jusqu'à ce mercredi 7 janvier 2015 où le dossier est arrivé à Strasbourg, devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH). De nouveaux mois d'attente s'annoncent avant que la décision ne soit rendue par le Tribunal compétent. Encore des mois de souffrance en perspective pour Vincent Lambert. Tout cela parce que l'épouse souhaite abréger le calvaire de son mari, et que les parents de Vincent s'y opposent, arguant que suspendre l'alimentation et l'hydratation artificielles serait un traitement « indigne et inhumain ». Mais être réduit à l'état de légume, n'est-ce pas indigne et inhumain ?

Troisième occurrence récente (août 2012), l'histoire de Tony Nicklinson. Frappé du « syndrome d'enfermement » (qui coupe les influx nerveux entre le cerveau et le corps, donnant l'impression que la personne est à l'état végétatif, alors qu'en réalité elle est consciente de tout mais a seulement perdu le complet usage de son corps), littéralement « prisonnier » de son enveloppe charnelle, il exige le droit de mourir... ce qui lui est refusé par la Justice britannique. Bien que ses avocats aient poursuivi les démarches jusqu'au dernier appel juridique possible, jamais au grand jamais on ne lui accorda le droit à l'euthanasie, et il finit par mourir en refusant de se laisser soigner et en cessant de s'alimenter. Une fois encore, la Justice a estimé que la vie est suffisamment précieuse pour la maintenir même dans la pire des souffrances.

Cela ne vous révolte-t-il vraiment pas ?

Et si, pour une fois, on écoutait le patient, ou on essayait de se glisser dans sa peau ??? Plutôt que de décider pour lui de ce qui est bien ou mal, et de maintenir mordicus que la souffrance est de toute manière préférable à la mort ! De quel droit se permet-on de statuer en faveur de la douleur extrême ou de l'humiliation ad vitam eternam pour un individu ???

L'affaire Vincent Humbert qui nous occupe depuis le début de cet article (à ne pas confondre avec l'affaire Vincent Lambert que j'ai également évoquée, même si la ressemblance des noms peut prêter à confusion) n'aura donc servi à rien ? Les mentalités n'évoluent pas. Une décennie plus tard, ce débat est toujours aussi grinçant que celui qui porte sur la peine de mort pour les criminels les plus épouvantables (et dont l'entretien coûte une fortune aux contribuables, bien plus que les chômeurs et les artistes, que l'on accable de tant de reproches et de tous les maux – sans parler des artistes chômeurs, deux en un, les pires parasites de la société, ha ! ha ! Étant artiste moi-même, j'en ai tant encaissé, de ces mots cinglants...) – bien que je ne cherche aucunement à créer un parallélisme entre ces deux débats qui n'ont strictement rien à voir l'un avec l'autre... si ce n'est que l'un comme l'autre bloquent en raison de vieilles politiques religieuses issues de la pensée humaine primaire et primitive. D'ailleurs, il faudra un jour que j'écrive un article sur (la nécessité de) la peine de mort, aussi dans la série « comment se faire de nouveaux ennemis un peu partout avec le sourire en mettant le doigt sur ce qui fâche, choque ou dérange ». Mais chaque chose en son temps. Pour l'heure, revenons à l'euthanasie. À chaque jour suffit sa peine... de mort !

Tout cela me ramène à une considération qui s'écarte quelque peu du débat, et qui se rattache à la notion de « foi » elle-même. Il est triste de constater que tout ce qui anime l'être humain en matière de « questions graves » sur le plan de la justice et de l'éthique, est... la peur de la mort, la peur du vide, la peur de la perte éternelle de conscience. La Peur. La Grande Peur. La Plus Grande Peur. La Seule Vraie Peur. La Peur Originelle. Depuis des millénaires, elle le pousse à tuer, à tyranniser, à violenter, à émettre des lois abjectes, à entraver le bonheur, la paix et le soulagement des êtres humains. Ainsi, l'amour de Dieu rend-il l'Homme haineux de l'Homme. Comble de l'absurde au cœur de la Raison Suprême. Dans un monde qui se clame à ce point versé dans « l'adoration de Dieu », n'est-ce pas plutôt surprenant et antithétique ? C'est un peu comme si j'avais des enfants, et que par amour pour eux je les torturais au fer chaud chaque jour. Cette image vous choque ? Mais l'image d'un homme torturé dans un camp de concentration, celle d'un homme décapité au nom d'un « Livre Saint », ou encore celle d'un homme souffrant le martyre sur un lit d'hôpital et que l'on force à souffrir au nom de cette loi qui édicte que « la souffrance vaut mieux que la mort » et que « l'euthanasie est illégale », ne vous scandalisent-elles pas similairement ? Alors, qu'attendons-nous pour changer les choses, et adopter ENFIN un point de vue HUMAIN et HUMANISTE, plutôt que de rester engoncés dans de vieux dogmes indigestes et s'apparentant plus logiquement à un satanisme camouflé ???

Je pense ainsi avoir dit l'essentiel de ce que j'avais à dire à ce sujet. Je vous invite, dans la foulée, à consulter certains sites qui évoquent le problème, ainsi que les réactions que les différents articles suscitent. Si un jour vous vous retrouvez confronté(e) vous-mêmes à une situation semblable, je ne conseillerais qu'une chose : pensez à ce que vous souhaiteriez qu'on fasse si vous étiez personnellement dans un état de souffrance permanent, insoutenable et sans issue. Écoutez votre cœur, lui seul pourra vous dicter la meilleure chose à faire. Et ne vous permettez pas de juger du degré de souffrance d'autrui, ni de comparer les souffrances ou les souffrants, car ce serait usurper l'identité des souffrants, ou carrément prendre la place de Dieu.

http://www.mesdebats.com/societe/391-faut-il-autoriser-leuthanasie-active/7974-il-sagit-simplement-doffrir-un-choix-aux-malades-concernes

http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20080320.OBS5915/verbatim-quand-chantal-sebire-parlait-de-sa-maladie.html

http://blog.aufeminin.com/blog/seeone_266729_6190481/PHiLOSOPHER-EN-BEAUTE/CHANTAL-SEBiRE-ET-LA-CULTURE-DE-MORT

http://www.lefigaro.fr/international/2014/11/03/01003-20141103ARTFIG00088-une-jeune-femme-relance-le-debat-sur-l-euthanasie-aux-etats-unis.php

http://www.eglise.catholique.fr/sengager-dans-la-societe/science-et-ethique/ethique-et-fin-de-vie/

http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Pour-l-Eglise-protestante-la-depenalisation-de-l-euthanasie-serait-regrettable-et-dangereuse-2014-01-17-1091770

http://www.universtorah.com/ns2_dossier-524-vivre-et-survivre-ou-le-suicide-et-l-euthanasie.htm

http://oumma.com/L-euthanasie-du-point-de-vue

Ce ne sont là que quelques liens, il en existe des centaines d'autres, mais la réflexion est ainsi lancée. À vous d'effectuer la suite du travail. Un monde meilleur, plus juste, plus humain, est possible, mais cela ne dépend que de vous. Pas des religions, des politiques, mais de VOUS !!! Ne restez pas emprisonnés dans de vieilles idéologies obscures et perverses, cruelles et dévalorisantes, mais pensez en vous servant de votre empathie. TRAVAILLEZ À DÉVELOPPER VOTRE SENS DE L'EMPATHIE (QUI EST UNE DÉCLINAISON DE L'AMOUR AVEC UN GRAND « A »), VOTRE COMPASSION, AGISSEZ TOUJOURS AVEC VOTRE PROCHAIN COMME VOUS AIMERIEZ QU'IL AGISSE AVEC VOUS SI VOUS ÉTIEZ À SA PLACE, SPÉCIALEMENT S'IL SOUFFRE ET S'IL A BESOIN D'AIDE. NE PENSEZ PAS « RÈGLES » ou « LOIS », MAIS PENSEZ À LA PERSONNE ELLE-MÊME. LE BIEN-ÊTRE D'UN INDIVIDU PASSE AVANT TOUTE LÉGISLATION ET TOUTE CROYANCE. S'IL EST UN DIEU, D'AMOUR DE SURCROÎT, IL NE PEUT ÊTRE SADIQUE ET SE RÉJOUIR DE VOIR UN DE SES ENFANTS SOUFFRIR LE MARTYRE. LA SEULE BIBLE ET CONSTITUTION QUI DOIVENT PRÉVALOIR FACE À QUELQU'UN QUI SOUFFRE, EST VOTRE INTELLIGENCE DU COEUR. ET CELLE-LÀ SE PASSE DE MOTS ET DE FORMULATIONS ÉSOTÉRIQUES PROPRES À INSTILLER LA CONFUSION ET LA PEUR DANS LA CONSCIENCE DES INDIVIDUS ET DANS LEUR FACULTÉ DE JUGEMENT.

Je propose que nous observions une petite pause avant d'attaquer la suite du programme, car la suite est encore bien plus controversée que ce que je viens d'exposer. Si vous voulez fumer une cigarette (ce que je vous déconseille parce que ça bousille les poumons, et qu'on les bousille déjà suffisamment avec toute la pollution qu'on respire au quotidien), pisser un coup ou aller chercher votre flingue pour m'abattre, c'est le moment où jamais.

Fin de la 1ère partie

Daphnis Olivier Boelens, janvier 2015