L'euthanasie
n'est pas un état nazi !!!
MOURIR :
LE DROIT LE PLUS FONDAMENTAL
ET
LE PLUS INALIÉNABLE
DE TOUT ÊTRE VIVANT
par
Daphnis Olivier Boelens, janvier 2015
Dans la
série « comment se faire de nouveaux ennemis un peu partout
avec le sourire en mettant le doigt sur ce qui fâche, choque ou
dérange », je vous propose aujourd'hui la chronique du livre :
« Je vous demande le droit de mourir » de Vincent
Humbert. L'histoire d'un garçon qui a supplié qu'on lui abrège ses
souffrances intolérables, et dont le décès en 2003 a fait quelque
peu bouger les choses... mais si peu, cependant. Qu'attend-on pour
franchir le pas ? L'Har-Maguédôn ?
Il est de
ces sujets qui, à leur seule évocation – un mot suffit ! –,
installent un froid soudain ou suscitent des réactions violentes
dont la spontanéité est viscéralement faussée par une éducation
souvent inconsidérée, pathologiquement ancrée et jamais remise en
question. L'enfer que j'ai moi-même vécu auprès de la secte de
Tassin La Demi-Lune via la famille Melgar démontre par A+B que les
préceptes judéo-chrétiens sont encore bien institués dans les
mentalités, au grand dam du bon sens et de l'humanisme. Et ces
préceptes se dressent (sans le savoir ?) contre la notion même
d'AMOUR, la notion la plus essentielle qui soit.
La société
humaine contemporaine se régit à la force de normes, de lois, de
dogmes (religieux, éthiques, culturels...), qu'elle n'envisage même
pas de passer au crible d'une véritable réflexion, au tamis d'une
méditation affranchie d'archaïsmes obscurantistes et dont
l'Histoire a démontré mille fois l'absurdité et les conséquences
désastreuses tant sur le plan individuel que collectif. La cécité,
oserais-je dire, est le plus répandu des cancers au sein de notre
civilisation : le sectarisme aveugle et dévaste l'humanité
depuis des milliers d'années, et nous continuons ainsi à subir des
conséquences de conséquences, dans un processus de répliques
sismiques qui semble sans fin.
Rien n'est
plus dramatique que d'adhérer à des notions « parce que c'est
comme ça ! », sans qu'elles reposent sur des fondements
mûrement élaborés dans une visée de progrès, d'amélioration de
la vie humaine, d'émancipation et d'amour. Cette résiliation
pathologique, qui auréole un amour-propre tribal s'articulant autour
de la prétention suprême d'« être dans l'esprit de Dieu »,
d'« être dans la Vérité », de savoir ce que Dieu veut
pour les créatures de Sa Création, provoque encore aujourd'hui, au
21ème siècle, des situations dont le caractère dramatique n'a rien
à envier à l'ère de l'Inquisition. Les termes de « tabou »,
« péché », « enfer », « évangélisation »...
emprisonnent l'humain dans un carcan mental qui ne lui permet plus de
développer un sens du discernement suffisant pour opérer une
distinction argumentée entre le bien et le mal, le beau et le laid,
entre ce qui est moral et ce qui ne l'est pas. Ainsi ne se
surprend-on pas de voir le mal se commettre au nom du bien, et le
bien condamné comme un acte inspiré par le mal ; on tue, viole
et tyrannise au nom de la Foi en un Dieu d'amour... ou plutôt au nom
d'une religion, ce qui est très différent. Pas étonnant non plus
de recenser des gens qui découragent ou condamnent quelqu'un
dénonçant des individus/institutions aux aspirations et desseins
maléfiques, et qui prennent parti pour les criminels religieux.
C'est ce qui m'a le plus frappé dans mon propre combat contre la
secte de Témoins de Jéhovah satanistes de Tassin La Demi-Lune :
ce mélange de peur et d'inconscience, d'irresponsabilité et
d'indifférence chez les « spectateurs ». Ce constat m'a
permis de mieux saisir ce qui s'est passé en 1940, comment
l'idéologie génocidaire nazie a pu si facilement s'installer en
Allemagne, et même encourager d'autres pays à y participer en y
voyant du bien (Régime De Vichy, etc...) ; si l'on est
convainquant, de fait, on peut faire adhérer le peuple à n'importe
quelle idéologie, aussi extrême, ignoble, absurde soit-elle.
Témoins de Jéhovah satanistes de Tassin La Demi-Lune et IIIème
Reich, même combat.
Mais ne nous
égarons pas. Le sujet que je traite présentement n'est pas Tassin
La Demi-Lune mais un autre tout aussi délicat... J'écrivais il y a
un instant qu'« un seul mot suffit ». Voici le mot auquel
je faisais allusion dans le cadre de cet article :
EUTHANASIE
Ma
définition personnelle de l'euthanasie est la suivante : « Mort
pleinement désirée et organisée délibérément en vue de soulager
les souffrances d'une personne dont l'état est sans issue,
spécialement à la demande de la personne concernée, à la demande
d'une personne de son entourage qui s'est engagée à ne pas la
laisser s'éteindre dans une mort qui violerait sa dignité humaine
ou qui lui vaudrait les plus atroces souffrances physiques ou
psychologiques, ou encore à la décision d'un représentant du corps
médical qui reconnaît son incapacité à guérir un patient
gravement atteint ou à alléger ses souffrances de quelque autre
manière. » Mais la définition de beaucoup de gens tend plutôt
à abonder en ces sens réducteurs : « Homicide
volontaire, acte de barbarie, péché mortel condamné par Dieu,
atteinte aux Droits de l'Homme, etc... »
L'opposition
drastique et inconciliable entre ces deux visions de la chose, vous
en conviendrez, mérite de soulever le débat une fois encore, en
essayant d'aller encore un petit pas plus loin. Ce que je vais
humblement tenter de faire dans cet article. Je ne prétends pas
qu'il permettra de faire évoluer les mentalités. Mais si une seule
personne, à l'issue de celui-ci, se pose des questions sur ce
qu'elle pensait être juste en portant l'anathème sur l'euthanasie,
alors je ne l'aurai pas écrit dans le vent.
Peut-on
affirmer que l'on « aime quelqu'un » et empêcher que ses
souffrances soient abrégées ? Et si, avant de trancher ou de
crier son indignation, on se glissait un instant dans la peau de la
personne qui souffre le martyre ? Aimerions-nous nous trouver
dans cet état, soumis à cette épreuve de la vie, et serions-nous
enchantés qu'au nom de « l'amour », de la « religion »
et de la « loi » on nous laisse mariner pendant des
années dans la torture ?
Comme dans
les pays dit « civilisés » on condamne la torture au
sens propre (bien que Guantanamo, Abou Ghraib... nous prouvent que
l'homme « civilisé » peut lui aussi s'adonner à des
actes de barbarie), pourquoi ne peut-on condamner de la même manière
la torture exercée par une maladie, une malformation ou un choc
traumatique ?
En un temps
passé (révolu ?) et à l'éthique balbutiante, on a décrété
qu'un être humain n'avait aucunement le droit de mettre fin à ses
jours même quand il n'en pouvait plus de ses souffrances, aussi
intolérables soient-elles, et que, dans le même ordre d'idées,
personne n'avait le droit d'abréger le calvaire d'une personne. En
d'autres termes : si un humain souffre, telle est la volonté de
Dieu. Quand l'euthanasie est suggérée ou à peine insinuée, on
parle immédiatement de crime, de violation de la liberté
individuelle, de manquement aux Droits de l'Homme, de péché
mortel... On évoque tous les cas d'abus possibles (en cas d'adoption
de l'euthanasie) pour instaurer une interdiction généralisée et
sans nuance. Au nom de tous ces abus possibles, on refuse
d'introduire l'euthanasie dans nos mœurs. Alors pourquoi, au même
titre, au nom de tous les abus possibles, n'interdit-on pas la
production d'armes de guerre, d'énergie nucléaire et d'alcool ?
Deux poids, deux mesures, comme toujours dans cette Institution
branlante appelée la Justice.
Depuis
l'affaire Humbert, on autorise (encore que ce soit très relatif et
affreusement procédurier), non sans un festival de démarches
administratives invraisemblables donc, le droit de suspendre un
traitement chez un patient, afin de précipiter sa mort (euthanasie
« négative » ou « passive »), mais on
interdit toujours formellement d'administrer quelque substance à
même de mettre fin plus rapidement à une vie de douleur (euthanasie
« positive » ou « active ») (il faut savoir
que dans le cas de l'euthanasie « négative » ou
« passive », après la suspension d'un traitement, le
patient peut encore vivre des jours, des semaines, des mois de
souffrances). Je ne parle ici que de douleur physique ; je
parlerai, dans un deuxième temps, de douleur morale, psychologique,
où le débat est encore plus fiévreux et radical, car comme nous le
savons, un mal (tout comme un crime) qui ne se voit pas à l’œil
nu est considéré comme un mal (ou un crime) qui n'existe pas, qui
relève de la fantaisie, de l'exagération, du délire ou de la
folie... de la victime, bien sûr ! Je pose la question :
sommes-nous vraiment dans un monde évolué ? Sommes-nous
vraiment en ordre avec nos consciences ? Agissons-nous en
écoutant notre cœur ou, quand ce n'est pas par égoïsme pur, en
obéissant à de sordides pré-acquis ?
Revenons au
livre de Vincent Humbert, qui est, ma foi, des plus explicites quant
au paradoxe d'une société qui est parvenue à envoyer une fusée
sur la lune mais qui n'est toujours pas capable de concevoir que la
souffrance, au-delà d'un certain seuil, n'est pas acceptable – car
quelle différence y a-t-il entre un médecin bourreau qui supplicie
un prisonnier dans un camp de concentration et un autre médecin qui
regarde un patient souffrir le martyre sur un lit d'hôpital puis lui
tourne le dos et quitte la chambre pour se rendre dans la suivante,
opérant tranquillement sa tournée d'inspection matinale et
protocolaire avant d'aller déjeuner ? Provoquer la douleur chez
quelqu'un ou la contempler froidement, mathématiquement, même topo,
non ? Même si, de toute évidence, il faut des gens qui, à
l'instar des chirurgiens, peuvent soigner des blessés ou des malades
sans s'apitoyer sur leur sort ou afficher un profond bouleversement.
Car si les médecins pleuraient à chaque patient, le nombre de morts
parmi les gens hospitalisés battrait de sombres records.
À
mon sens, toutefois, il devrait exister, dans la Constitution de
chaque pays qui se prétend « civilisé », une formule du
style : « non-assistance à personne en souffrance »,
qui, de la même manière que pour la « non-assistance à
personne en danger », condamnerait quelqu'un à une peine de
prison, pour le cas où ce quelqu'un entretiendrait la douleur d'une
personne contre son gré ou contre un principe élémentaire de
dignité humaine si le souffrant n'est plus en état de faire part
lui-même de sa souffrance et de décider de son propre sort. Je suis
conscient que ces mots que je suis en train d'étaler sur papier en
ce 5 janvier 2015 à 4h02 du matin choqueront bon nombre de cruels
imbéciles « bien-pensants » et autres « bourgeois »
de la médecine ou de la moralité religieuse toutes confessions
confondues. Mais si c'est le cas, tant mieux ! Cela dit, de nos
jours, un texte peut-il encore secouer les mentalités et faire
bouger les choses ? J'en doute. Aujourd'hui, on a le sentiment
que les mots n'ont plus de poids, c'est pourquoi le terrorisme s'est
enraciné partout.
24 septembre
2000. Une fin d'après-midi. Une petite route de campagne. Une
voiture roule paisiblement. À
son bord, Vincent Humbert. Soudain, un camion arrive en sens inverse,
trop rapide, il ne freine pas à temps, et c'est l'accident. La
petite voiture est en bouillie, ainsi que son occupant. S'ensuivent
neuf mois de coma, puis des mois de traitements, soins et autres
interventions. Vincent en sort vivant, mais complètement paralysé à
vie, sans aucun espoir de récupération. Son état n'évolue pas,
mais il conserve sa conscience (il a d'ailleurs fallu des mois pour
le réaliser ! alors qu'on le croyait à l'état végétatif ;
sans l'acharnement de sa mère, personne n'aurait effectué le
moindre test pour s'en assurer et on aurait décrété qu'il ne
souffre pas car il ne se rend compte de rien), et communique à
l'aide de son pouce, seule partie de son corps qu'il peut encore
bouger. Sa mère élabore alors un système pour le faire parler :
elle lui dicte les lettres de l'alphabet, et il bouge le pouce chaque
fois que résonne la bonne lettre. Ainsi, il forme des mots, puis des
phrases... et un jour, cela devient un récit autobiographique. Tout
cela, grâce à une mère persévérante que les médecins traitaient
de folle pour s'acharner à vouloir encore communiquer avec son fils
« mort-vivant ».
Cette même mère à qui Vincent fera jurer de le tuer si le
Président de la République (Jacques Chirac à l'époque) refusait
de lui accorder officiellement le droit de mourir. Elle fera
« euthanasier » son fils en date du 24 septembre 2003...
ce qui lui vaudra d'être placée en garde à vue et accusée
d'homicide volontaire. Fort heureusement, l'affaire fait grand bruit
(surtout après que Vincent a adressé lui-même une lettre au
Président Chirac, ce qui attirera sur lui tous les médias, ne
pouvant plus laisser son cas passer inaperçu aux yeux de l'opinion
publique), et elle ressortira du Tribunal libre, le dossier ayant
abouti à un non-lieu. Cela a-t-il pour autant changé les
mentalités ? Ou fait réfléchir ne serait-ce qu'un poil sur
l'invraisemblance de ce rejet idéologique de l'euthanasie ? Pas
le moins du monde !
Les
déclarations de l'ancien kiné de Vincent, Hervé Messager,
survenues peu après le décès du garçon, contredisent, pour ne pas
dire qu'elles nient catégoriquement la souffrance de Vincent
Humbert. Messager estime que Vincent ne souffrait aucunement :
« Il ne souffrait pas physiquement. Je suis formel. Ce jeune
avait besoin d'être encouragé à vivre. Il ne fallait surtout pas
entrer dans son jeu. » En 2007 encore, il affirme qu'on a
exagéré les choses pour justifier cette « euthanasie »,
en d'autres termes : ce meurtre ! Mais de quel jeu
parlez-vous, monsieur Messager ??? Sa souffrance physique a été
décrite par lui-même dans le témoignage qu'il a pu dicter grâce à
son pouce fonctionnel. Et au-delà de la souffrance physique, il y
avait aussi la douleur psychologique. Voilà un garçon qui ne
pourrait jamais plus marcher, ni nager, ni danser, ni faire l'amour,
ni rien. « Ce gamin avait encore plein de choses à
vivre. », dites-vous. Plein de choses, vraiment ? Mais
avez-vous seulement idée de ce que peut être une vie où l'on ne
peut plus rien faire par soi-même ??? Où l'on est réduit,
comme Vincent l'explique très bien dans son récit, à l'état d'un
petit enfant qui a besoin de quelqu'un pour l'aider à tout faire,
car il ne peut plus rien faire par lui-même. Et vous osez affirmer
que ce garçon ne souffrait pas ??? Seriez-vous prêt, dès
lors, à être mis vous, personnellement, dans un état physique
similaire au sien, en souffrance et en aliénation complètes et
permanentes, dans l'humiliation due à l'impossibilité de tenir sa
propre bite pour pisser et de se torcher le cul tout seul, et à
jouir ainsi de la vie, de cette « nouvelle vie », pour
les quarante années à venir ? Non ? Tiens, pourquoi
donc ? Ah, oui, vous tenez à votre motricité, vous tenez à
vivre pleinement, à baiser, à vous promener dans les parcs et sur
les plages, à conserver votre liberté et votre autonomie... C'est
bien ce qu'il me semblait aussi ! Il n'est pas dans mes
habitudes d'user de ce type de langage, mais il ne me vient que ces
mots à l'esprit quand je pense à vous : « Ferme ta
gueule, ça t'évitera de dire des conneries ! ». Ou, dit
plus poliment : « Le négationnisme est un viol, et dans
certains cas est condamnable devant un Tribunal de Justice. »
Spécialement
pour vous, monsieur Messager, voici des extraits du livre de Vincent
Humbert, qui montrent clairement l'ampleur de sa douleur extérieure
mais aussi intérieure, et qui ne laissent planer aucun doute non
plus sur le fait qu'il désirait lui-même mourir, et qu'il ne s'agit
donc pas d'un meurtre mais d'un suicide assisté et consenti !
Et quand, de surcroît, j'entends le philosophe Jacques Ricot
déclarer que le téléfilm qui en fut tiré (même s'il est un peu
superficiel, comme tous les téléfilms) porte un titre ambigu
(« Marie Humbert, l'amour d'une mère » ; où est
donc l'ambiguïté dans ce titre, cher monsieur ?
Insinueriez-vous qu'elle ne l'aimait pas/plus et qu'elle l'a en
réalité assassiné parce qu'il était devenu un fardeau pour
elle ?) et n'est qu'une opération de propagande pour
l'euthanasie, je hurle !!! Mais pour qui vous prenez-vous pour
minimiser ainsi la souffrance d'un être humain ???
Quelques
extraits du livre :
p.13,
première page du livre : « Dans trois heures les
infirmières repasseront pour de nouveaux soins, pour me retourner,
pour voir si tout va bien, pour me remettre le masque qui m'aide à
respirer. Si elles savaient qu'au bout de dix minutes déjà je n'en
peux plus, que j'ai envie de bouger, que j'ai mal partout, que j'ai
des crampes, que je peine à respirer, que j'ai envie de quitter ce
lit, cet endroit, cette chambre sordide ! Enfin, je suppose
qu'elle est sordide, car je n'ai jamais pu la regarder : j'ai
perdu la vue, l'odorat, le goût, l'envie de vivre. Mais ce lieu dans
lequel je me trouve, cet univers que je n'ai pas voulu et qui m'est
imposé est forcément sordide puisqu'il respire la mort, puisqu'il
respire ma mort. »
p.16 :
« Oui, je persiste : je veux mourir parce que cette vie de
merde qu'on me fait vivre depuis mon accident, je n'en peux plus, je
n'en veux plus. Ce n'est pas une vie, ce n'est pas ma vie. »
p.43 :
« Au CHU de Rouen, quand (ma mère) s'est aperçue que de toute
façon c'était foutu, que je me battais inutilement, elle a dit aux
médecins :
―
Laissez-le
tranquille, maintenant, c'est fichu, laissez faire la nature.
Et
là, les médecins lui ont répondu :
―
Mais,
madame, Vincent n'est plus à vous. Il est majeur, c'est lui seul qui
décide.
Majeur !
Quelle hypocrisie ! Dans l'état où j'étais, quelle décision
pouvais-je prendre ? »
p.45 :
« (Ma mère) a dû les harceler pour qu'enfin on lui explique
sans ambages que j'étais « comme un ver de terre ». Une
expression qui l'a marquée, on peut le dire ! C'est un interne
qui lui a dit cela pendant mon séjour à Rouen. Il a expliqué à ma
mère que j'étais comme un ver de terre que l'on coupe en deux. Le
ver est mort, mais les deux bouts bougent encore. « Eh bien,
votre fils sera pareil. »
p.67 :
« Depuis le 24 septembre 2000 (...), je n'ai plus jamais mangé.
Ma seule nourriture, c'est cette sonde qui entre dans mon ventre et
qui m'envoie du lait dans l'estomac. Du lait et un peu d'eau. »
p.77 :
« Il y a des jours, j'aurais préféré ne pas avoir retrouvé
toute ma tête pour ne pas penser à tout ce à quoi je pense dans la
journée, et même le nuit. Avec le temps, mon envie de me battre
s'est atténuée, presque éteinte. Chaque fois que je m'apercevais
que mon état ne s'améliorait pas, je prenais un nouveau coup de
canif, une nouvelle blessure morale. »
p.87 :
« Cette envie de mourir, je l'ai depuis des mois. Depuis mon
réveil. Mais elle était un peu engloutie au fond de moi. C'était
un peu comme un bouton de pus qui grossit lentement sous votre peau
et qui un jour éclate parce que quelqu'un appuie dessus. »
p.101 :
« (...) je ne baiserai plus jamais. Or, comme tout le monde,
j'aimais ça. Comme tous les jeunes de mon âge, j'avais découvert
les plaisirs du sexe. Quand j'en parle avec mon frère qui doit avoir
une centaine de gonzesses à son tableau de chasse, ça me fait à la
fois du bien et du mal parce que je sais que tout cela je ne le
vivrai plus. Draguer une belle fille, la séduire, passer la main
dans son cou, dans ses cheveux, la serrer très fort contre soi, puis
découvrir son corps, la caresser, l'embrasser, lui faire l'amour.
(...) Alors, je vous repose la question. En voulez-vous, de cette
vie ? Si maintenant vous me dites oui, c'est que vous êtes
vraiment timbré. (...) Moi, vous le savez maintenant, je n'en veux
plus de cette vie. »
© Éditions
Michel Lafon, 2003 /propos recueillis et texte élaboré par Frédéric
Veille sur base du récit de Vincent Humbert ; « Je vous
demande le droit de mourir » - ISBN : 2-84098-992-1
Il me semble que ces
extraits témoignent assez explicitement de moult souffrances
physiques et psychologiques qui ne relèvent pas du délire ou de
l'exagération, et ce sans que le doute soit permis. S'il est une
seule chose à respecter en ce monde et à ne pas chercher à nier,
c'est précisément la souffrance d'autrui. Il est facile de
critiquer quelqu'un qui souffre ou nier/dévaluer sa souffrance quand
on a soi-même tout le nécessaire que lui n'a pas, n'a plus ou
n'aura jamais, et qu'on ne souffre pas soi-même d'un mal similaire.
À tous les individus
bien-portants qui se permettent de critiquer les personnes en
souffrance pour leur soi-disant « manque de courage »,
« tendance à l'exagération et à la dramatisation » ou
leur « défaitisme », ainsi qu'à ceux qui condamnent et
interdisent le suicide de ces victimes (qu'il soit réalisé de
manière autonome ou par euthanasie assistée), je leur souhaite de
subir d'aussi terribles revers de la vie. Non pas dans une visée
vindicative, mais uniquement d'un point de vue pédagogique, car on
ne peut mieux comprendre une situation/souffrance, qu'en les ayant
soi-même éprouvées. Visiblement, tout le monde ne présente pas
une propension innée à l'empathie.
Personnellement,
jamais je ne me suis permis de juger une personne qui souffre, que ce
soit physiquement ou psychologiquement. N'oubliez pas qu'aucun
d'entre nous n'est à l'abri d'une souffrance similaire, et que
lorsqu'on se croit plus fort que le diable, celui-ci finit par
assener le coup de grâce pour réaffirmer son pouvoir. On ne
contrôle pas son destin, c'est le destin qui nous contrôle.
N'inversons pas les rôles. Les gens qui se croient plus forts que
les forces de l'univers m'apparaissent comme ridicules, prétentieux,
et ils jugent et agissent souvent avec mépris, perversité et
condescendance. J'ai connu de nombreuses personnes de cet acabit, et
j'avoue ne pas pouvoir contenir un sourire en coin quand j'en
retrouve certaines des années plus tard en dépression ou frappées
par une maladie grave. « Ah bon, tu ne vas pas bien ? Mais
tu ne m'avais pas dit que tout ne dépend que de soi, qu'on a le
contrôle absolu sur son destin, et que si quelque chose nous arrive
c'est qu'on l'a bien cherché ? » Je vous entends déjà
conclure que je suis cynique en agissant de la sorte. Mais rien n'est
plus cynique que ces personnes qui vous observent quand vous souffrez
et supputent que vous jouez à vous faire apitoyer ou affirment que
vous vous complaisez dans votre souffrance, voire vous traitent de
loser, d'animal sans courage, sans dignité, ou de sale gamin.
Bref,
revenons au récit autobiographique de Vincent Humbert.
Comment ne
pas faire le rapprochement avec l'affaire Vincent Lambert encore en
cours, l'histoire de cet infirmer victime d'un grave accident de moto
en 2008, réduit, lui, à un état végétatif, et dont l'euthanasie
est systématiquement repoussée d'un tribunal à l'autre, jusqu'à
ce mercredi 7 janvier 2015 où le dossier est arrivé à Strasbourg,
devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH). De nouveaux
mois d'attente s'annoncent avant que la décision ne soit rendue par
le Tribunal compétent. Encore des mois de souffrance en perspective
pour Vincent Lambert. Tout cela parce que l'épouse souhaite abréger
le calvaire de son mari, et que les parents de Vincent s'y opposent,
arguant que suspendre l'alimentation et l'hydratation artificielles
serait un traitement « indigne et inhumain ». Mais être
réduit à l'état de légume, n'est-ce pas indigne et inhumain ?
Troisième
occurrence récente (août 2012), l'histoire de Tony Nicklinson.
Frappé du « syndrome d'enfermement » (qui coupe les
influx nerveux entre le cerveau et le corps, donnant l'impression que
la personne est à l'état végétatif, alors qu'en réalité elle
est consciente de tout mais a seulement perdu le complet usage de son
corps), littéralement « prisonnier » de son enveloppe
charnelle, il exige le droit de mourir... ce qui lui est refusé par
la Justice britannique. Bien que ses avocats aient poursuivi les
démarches jusqu'au dernier appel juridique possible, jamais au grand
jamais on ne lui accorda le droit à l'euthanasie, et il finit par
mourir en refusant de se laisser soigner et en cessant de
s'alimenter. Une fois encore, la Justice a estimé que la vie est
suffisamment précieuse pour la maintenir même dans la pire des
souffrances.
Cela ne vous
révolte-t-il vraiment pas ?
Et si, pour
une fois, on écoutait le patient, ou on essayait de se glisser dans
sa peau ??? Plutôt que de décider pour lui de ce qui est bien
ou mal, et de maintenir mordicus que la souffrance est de toute
manière préférable à la mort ! De quel droit se
permet-on de statuer en faveur de la douleur extrême ou de
l'humiliation ad vitam eternam pour un individu ???
L'affaire
Vincent Humbert qui nous occupe depuis le début de cet article (à
ne pas confondre avec l'affaire Vincent Lambert que j'ai également
évoquée, même si la ressemblance des noms peut prêter à
confusion) n'aura donc servi à rien ? Les mentalités
n'évoluent pas. Une décennie plus tard, ce débat est toujours
aussi grinçant que celui qui porte sur la peine de mort pour les
criminels les plus épouvantables (et dont l'entretien coûte une
fortune aux contribuables, bien plus que les chômeurs et les
artistes, que l'on accable de tant de reproches et de tous les maux –
sans parler des artistes chômeurs, deux en un, les pires
parasites de la société, ha ! ha ! Étant artiste
moi-même, j'en ai tant encaissé, de ces mots cinglants...) –
bien que je ne cherche aucunement à créer un parallélisme entre
ces deux débats qui n'ont strictement rien à voir l'un avec
l'autre... si ce n'est que l'un comme l'autre bloquent en raison de
vieilles politiques religieuses issues de la pensée humaine primaire
et primitive. D'ailleurs, il faudra un jour que j'écrive un article
sur (la nécessité de) la peine de mort, aussi dans la série
« comment se faire de nouveaux ennemis un peu partout avec le
sourire en mettant le doigt sur ce qui fâche, choque ou dérange ».
Mais chaque chose en son temps. Pour l'heure, revenons à
l'euthanasie. À
chaque jour suffit sa peine... de
mort !
Tout cela me
ramène à une considération qui s'écarte quelque peu du débat, et
qui se rattache à la notion de « foi » elle-même. Il
est triste de constater que tout ce qui anime l'être humain en
matière de « questions graves » sur le plan de la
justice et de l'éthique, est... la peur de la mort, la peur du vide,
la peur de la perte éternelle de conscience. La Peur. La Grande
Peur. La Plus Grande Peur. La Seule Vraie Peur. La Peur Originelle.
Depuis des millénaires, elle le pousse à tuer, à tyranniser, à
violenter, à émettre des lois abjectes, à entraver le bonheur, la
paix et le soulagement des êtres humains. Ainsi, l'amour de Dieu
rend-il l'Homme haineux de l'Homme. Comble de l'absurde au cœur de
la Raison Suprême. Dans un monde qui se clame à ce point versé
dans « l'adoration de Dieu », n'est-ce pas plutôt
surprenant et antithétique ? C'est un peu comme si j'avais des
enfants, et que par amour pour eux je les torturais au fer chaud
chaque jour. Cette image vous choque ? Mais l'image d'un homme
torturé dans un camp de concentration, celle d'un homme décapité
au nom d'un « Livre Saint », ou encore celle d'un homme
souffrant le martyre sur un lit d'hôpital et que l'on force à
souffrir au nom de cette loi qui édicte que « la souffrance
vaut mieux que la mort » et que « l'euthanasie est
illégale », ne vous scandalisent-elles pas similairement ?
Alors, qu'attendons-nous pour changer les choses, et adopter ENFIN un
point de vue HUMAIN et HUMANISTE, plutôt que de rester engoncés
dans de vieux dogmes indigestes et s'apparentant plus logiquement à
un satanisme camouflé ???
Je pense
ainsi avoir dit l'essentiel de ce que j'avais à dire à ce sujet. Je
vous invite, dans la foulée, à consulter certains sites qui
évoquent le problème, ainsi que les réactions que les différents
articles suscitent. Si un jour vous vous retrouvez confronté(e)
vous-mêmes à une situation semblable, je ne conseillerais qu'une
chose : pensez à ce que vous souhaiteriez qu'on fasse si vous
étiez personnellement dans un état de souffrance permanent,
insoutenable et sans issue. Écoutez
votre cœur, lui seul pourra vous dicter la meilleure chose à faire.
Et ne vous permettez pas de juger du degré de souffrance d'autrui,
ni de comparer les souffrances ou les souffrants, car ce serait
usurper l'identité des souffrants, ou carrément prendre la place de
Dieu.
http://www.mesdebats.com/societe/391-faut-il-autoriser-leuthanasie-active/7974-il-sagit-simplement-doffrir-un-choix-aux-malades-concernes
http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20080320.OBS5915/verbatim-quand-chantal-sebire-parlait-de-sa-maladie.html
http://blog.aufeminin.com/blog/seeone_266729_6190481/PHiLOSOPHER-EN-BEAUTE/CHANTAL-SEBiRE-ET-LA-CULTURE-DE-MORT
http://www.lefigaro.fr/international/2014/11/03/01003-20141103ARTFIG00088-une-jeune-femme-relance-le-debat-sur-l-euthanasie-aux-etats-unis.php
http://www.eglise.catholique.fr/sengager-dans-la-societe/science-et-ethique/ethique-et-fin-de-vie/
http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Pour-l-Eglise-protestante-la-depenalisation-de-l-euthanasie-serait-regrettable-et-dangereuse-2014-01-17-1091770
http://www.universtorah.com/ns2_dossier-524-vivre-et-survivre-ou-le-suicide-et-l-euthanasie.htm
http://oumma.com/L-euthanasie-du-point-de-vue
Ce ne sont
là que quelques liens, il en existe des centaines d'autres, mais la
réflexion est ainsi lancée. À
vous d'effectuer la suite du travail. Un monde meilleur, plus juste,
plus humain, est possible, mais cela ne dépend que de vous. Pas des
religions, des politiques, mais de VOUS !!! Ne restez pas
emprisonnés dans de vieilles idéologies obscures et perverses,
cruelles et dévalorisantes, mais pensez en vous servant de votre
empathie. TRAVAILLEZ À
DÉVELOPPER
VOTRE SENS DE L'EMPATHIE (QUI EST UNE DÉCLINAISON
DE L'AMOUR AVEC UN GRAND « A »), VOTRE COMPASSION,
AGISSEZ TOUJOURS AVEC VOTRE PROCHAIN COMME VOUS AIMERIEZ QU'IL AGISSE
AVEC VOUS SI VOUS ÉTIEZ
À
SA PLACE, SPÉCIALEMENT
S'IL SOUFFRE ET S'IL A BESOIN D'AIDE. NE PENSEZ PAS « RÈGLES »
ou « LOIS », MAIS PENSEZ À
LA PERSONNE ELLE-MÊME. LE BIEN-ÊTRE D'UN INDIVIDU PASSE AVANT TOUTE
LÉGISLATION
ET TOUTE CROYANCE. S'IL EST UN DIEU, D'AMOUR DE SURCROÎT, IL NE PEUT
ÊTRE SADIQUE ET SE RÉJOUIR
DE VOIR UN DE SES ENFANTS SOUFFRIR LE MARTYRE. LA SEULE BIBLE ET
CONSTITUTION QUI DOIVENT PRÉVALOIR
FACE À
QUELQU'UN QUI SOUFFRE, EST VOTRE INTELLIGENCE DU COEUR. ET CELLE-LÀ
SE PASSE DE MOTS ET DE FORMULATIONS ÉSOTÉRIQUES
PROPRES À
INSTILLER LA CONFUSION ET LA PEUR DANS LA CONSCIENCE DES INDIVIDUS ET
DANS LEUR FACULTÉ
DE JUGEMENT.
Je
propose que nous observions une petite pause avant d'attaquer la
suite du programme, car la suite est encore bien plus controversée
que ce que je viens d'exposer. Si vous voulez fumer une cigarette (ce
que je vous déconseille parce que ça bousille les poumons, et qu'on
les bousille déjà suffisamment avec toute la pollution qu'on
respire au quotidien), pisser un coup ou aller chercher votre flingue
pour m'abattre, c'est le moment où jamais.
Fin de la 1ère partie
Daphnis Olivier Boelens, janvier 2015
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